Après 1990, la révolution de l’arbitrage

Défensive, violente et cynique, la Coupe du monde 1990 a obligé la FIFA à réformer en profondeur le jeu et les règles. Un bon réseau suisse et un vilain Caen-Auxerre ont changé la face du football qui, de simple sport, peut enfin devenir ce à quoi il aspire de plus en plus: un spectacle.

Le journal « Le Temps » a consacré une double page dans son édition de juillet 2020 à ce moment important de l’histoire du football : l’interdiction pour la gardien de prendre dans les mains une passe en retrait.

En un article, retrouvez la genèse de ce tournant qui a rendu le football plus joyeux.

Cliquez sur les images en question pour faciliter la lecture.

Mon Köbi

La disparition d’amis, de proches, de coéquipiers, relance immanquablement le même processus. Un chagrin m’arrache le cœur. Une tristesse pleine de nostalgie me tire les larmes. Un mal-être infini m’envahit. Et une question que j’évite pourtant soigneusement de me poser me ravage: «Et pour toi? Quand est prévu le grand départ?» Je m’interroge certes, mais surtout, je ne veux pas que quelqu’un me souffle la réponse. J’évacue les mots comme mort, maladie et souffrance de mon vocabulaire. J’essaie de profiter de tous les moments que m’offre la vie. À 70 ans, je ne suis qu’un «Tamalou» comme les autres. Malgré ça, tout va bien.

Très bien. Je suis vivant. Avec envie, enthousiasme et plaisir. Sans mémoire vive performante, je me souviens parfois. Sinon je cherche des réponses ou des statistiques sur internet. Qui parfois m’éclairent. Le 26 mars 1969 à Valence, je porte pour la première fois le maillot de l’équipe nationale contre l’Espagne. Je me rappelle la panne d’électricité qui a grandement retardé le début de la rencontre, mais pas la formation de l’équipe helvétique. Pourtant, même en me creusant les méninges, je n’ai pas souvenir d’avoir évolué avec Kuhn. Qui a manœuvré avec le numéro 6.

Par excès d’égoïsme? Ou à cause de la barrière de la langue? Je devais cacher ma timidité derrière les cinq Romands et les deux Tessinois présents. Pour ne pas devoir utiliser les rares expressions apprises pendant les neuf ans d’études de la langue de Goethe. D’autant plus que les Suisses alémaniques devaient communiquer en Schwyzerdütsch, une langue inconnue à forte ressemblance avec un grave mal de gorge. Jamais je n’ai imaginé, mais vraiment jamais, qu’un de ces individus (un étranger à mes yeux) puisse parler français. Et pourtant…

En 1971, avec quelques sélections de plus, j’arrive au FC Zurich. Et je découvre le Köbi du vestiaire. Affable, bienveillant, attentif, avec son sourire accueillant et son œil malicieux, soucieux de ma bonne acclimatation. Il parle la langue de Molière. Leader sans jouer au chef, il me fait découvrir les mystères du dialecte zurichois. Je deviens proche sans jamais être intime. Même si quelques fêtes en équipe arrosées abondamment de bières font craquer les dernières barrières.

Le Kuhn du terrain me séduit aussi. Combatif, volontaire, agressif dans la conquête du ballon, joueur au souffle inépuisable, son jeu avec ballon m’enthousiasme. Je parviens à me brancher sur ses idées, à dialoguer avec sa technique aussi sûre dans la passe courte ou longue. Sa conduite de balle en fait un joueur difficile à arrêter dans son rôle de footballeur à l’aise dans les deux surfaces. Qui marque ses six, sept buts par saison. Pour moi, il a été l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du football suisse et aurait mérité une reconnaissance internationale totale.

En 1980, je reviens au FC Zurich comme entraîneur. Köbi est coordinateur et entraîneur au sein du mouvement juniors. Nous collaborons pour essayer d’améliorer le niveau de nos jeunes. Nous dialoguons souvent, planifions, écrivons dans le marbre les valeurs que nous voulons développer. Mais le changement de hiérarchie me déstabilise. Mon ex-capitaine indéboulonnable se range dans un rôle de subalterne. Il me fait et me donne confiance. Comme lorsque j’étais joueur. Il accepte mes idées sans essayer d’imposer les siennes. Sa simplicité m’étonne. Son humilité me surprend. Il ne joue aucun rôle. Et ne semble pas aspirer à devenir entraîneur professionnel.

De 2001 à 2008, Köbi devient le sélectionneur de l’équipe de Suisse. Et son onze gagne. Souvent. En tant que consultant à la Radio Télévision Suisse, j’ai le privilège de suivre tous les matches de qualification qui ont amené la Nati au championnat d’Europe des nations au Portugal. Et j’apprécie beaucoup le style de l’équipe. Qui colle à l’image de son entraîneur. Engagé, courageux, combatif, talentueux. Loyal. Son 4-4-2 en losange m’a tellement emballé que je l’ai parodié plus tard dans ma carrière de coach.

Lors d’une longue interview pour le «Tages-Anzeiger», qui voulait profiter de ma proximité avec «Köbi national», j’essaie de débusquer ses secrets. En vain. Il n’en a pas. Son bon sens et son intelligence pour le jeu du football suffisent.

Il est tellement simple, vrai et sain, qu’on le soupçonne de nous manipuler.

Köbi, si les terrains sont bons là-haut, attends-moi, je rejouerais volontiers avec toi.

Hommage paru dans le journal Le Matin, 1er décembre 2019.

Comment Sepp Blatter a sauvé le football de l’ennui

Le football est plus populaire que jamais. La Coupe du Monde en Russie a été particulièrement passionnante. Mais cela n’a pas toujours été le cas – la Coupe du Monde de 1990 a été probablement l’un des évènements les plus ennuyeux de l’humanité, jusqu’à ce qu’un groupe d’amis Suisses, dirigé pas Sepp Blatter, prenne les choses en main.

Comment Sepp Blatter (oui, ce Sepp Blatter) a sauvé le football de l’ennui

La Coupe du Monde en Italie de 1990 a été probablement l’un des évènements les plus ennuyeux de l’humanité. C’était une manifestation sans rythme, défensive et pauvre en buts qui a conduit un éditorialiste du Washington Post à une théorie intéressante sur la raison pour laquelle le reste du monde était si fou de ce jeu ennuyeux.

« Peut être que cela leur convient [au reste du monde], un sport dont la caractéristique principale est le manque d’occasions« , écrivit-il. « Ils aiment ce côté désespérant [du football] ; on se croirait dans la vraie vie« . Même l’hooliganisme – à l’époque, une façon populaire de passer ses week-end – prit sens pour le chroniqueur. « Tout à coup, je comprends : les supporters de football se battent pour rester éveillés« .

Ce n’était cependant pas uniquement l’opinion gratuite d’Américains s’ennuyant. Des fans chevronnés de football ont également considéré la Coupe du Monde de l’époque comme un spectacle raté. Pire, la FIFA et l’UEFA étaient même très inquiètes. Le football sert au divertissement et au spectacle – mais était-ce toujours le cas ?

Le patron de l’UEFA, Lennart Johansson, confia deux ans plus tard qu’il se souvenait de « tout au plus vingt minute » d’un match de football. « Le reste est généralement extrêmement boring (ennuyant)»

Le jeu – le ‘’produit football’’ – était-il encore commercialement intéressant ? 

Le football : plus agile que la Silicon Valley

Johansson ne pouvait pas encore le savoir, mais la rédemption était proche.

La Coupe du Monde de 1990 a provoqué une magnifique chaîne d’évènements. Le monde conservateur du football a réagi de manière aussi agile qu’une startup de la Silicon Valley et s’est rendu, en un rien de temps, de nouveau intéressant – moyennant un petit changement de règle.

Le 13 décembre 1990 – date de sa réunion annuelle – la FIFA a créé une commission chargée de donner des propositions pour améliorer le jeu. Deux mois plus tard, cette commission a proposé une nouvelle règle : l’interdiction de jouer la balle en retrait au gardien. A nouveau trois mois plus tard, la règle fut testée pour la première et unique fois.

A la première nouvelle occasion qui se présenta, la commission chargée des règles du football (l’IFAB) – grosso-modo l’épicentre du conservatisme du football mondial – instaura la nouvelle règle, tel un « early adopter » de premier plan, avec un succès retentissant. Ce processus – l’ajout d’une règle qui sauva le foot d’un ennui mortel – commença probablement par une lettre sur laquelle j’ai pu mettre la main. Le processus a été complété par un dirigeant de la FIFA ouvert à la réforme et à l’écoute de Sepp Blatter.

L’une de ces nombreuses personnes qui s’inquiétait de l’avenir du football, à cause de ce jeu peu passionnant proposé durant la Coupe du Monde de 1990, a été Daniel Jeandupeux, l’entraîneur Suisse du club français de Caen.

Après la Coupe du Monde en Italie – « un tournoi terriblement vilain » dit-il au téléphone depuis sa résidence à Toulouse – M. Jeandupeux a commencé à regarder différemment les matchs qu’il entraînait. Il a porté particulièrement son attention sur les matchs où son équipe menait rapidement au score. Avec l’aide d’un des premiers logiciels d’analyse de données du football – ‘Top Score’ – il pouvait déterminer quand et quel joueur avait la possession du ballon et combien de temps celui-ci la gardait.

Ce fut laborieux – « le logiciel n’était pas très facile d’utilisation à l’époque » – mais lorsque Jeandupeux eut enfin terminé, il obtint des résultats qu’il ne pouvait ou ne voulait pas croire initialement.

Pourquoi ?

« En cas d’avance au score, les gardiens touchaient parfois dix ballons de plus que tous les joueurs de champ cumulés » nous raconte Jeandupeux depuis sa résidence à Toulouse. « Les chiffres étaient ahurissants ».

Cela était également valable pour son équipe, un point particulièrement douloureux pour lui. Jeandupeux était un défenseur du football offensif avec Caen. Ou du moins, c’est ce qu’il pensait. Mais sur plusieurs matchs il s’est avéré, après que Caen mène au score, que le gardien était le joueur qui touchait le plus de balles. L’explication n’était pas difficile à trouver : la possibilité de rejouer sur le gardien et le fait que celui-ci pouvait prendre le ballon dans ses mains en toute sécurité, s’avérait un attrait magique pour presque chaque équipe qui menait au score, comme si c’était une loi de la nature.

Jeandupeux a mis ses conclusions dans une courte lettre, « tapée sur l’un des premiers Macintoshe d’Apple », qu’il envoya à sa connaissance Walter Gagg, alors assistant technique de la FIFA et proche assistant du secrétaire général, Sepp Blatter.

Jeandupeux commença sa lettre par « Mon cher Walti ». Il y expliqua ensuite sa démarche avec l’analyse des données et les découvertes qu’il avait faites. La lettre était courte et allait droit au but. « Mon gardien » – l’indignation et le dégoût de soi peuvent se lire entre les lignes – « est un champion dans la perte de temps« . Et : « Une telle possession de balle par les gardiens va inévitablement tuer le jeu.« 

« Cette lettre est arrivée pile au bon moment à la FIFA« , nous dit Walter Gragg au téléphone. « Parce que [Sepp] Blatter était à ce moment, déjà occupé à préparer les esprits au changement de règles du jeu ».

Gagg et Blatter ne sont plus amis dorénavant. Ils ont passé des décennies ensemble à la FIFA. Après les scandales de corruption, la suspension de Blatter par le comité d’éthique de la FIFA, puis sa démission en tant que président de la FIFA, leurs relations se sont détériorées. Mais cela ne change rien au fait que, selon Gagg, Blatter était pleinement occupé par l’avenir du jeu dans les années 1980 et 1990. « Il faut malgré tout bien l’admettre : Blatter s’est vraiment battu pour cela »

Son fait le plus visible : après la coupe du monde, Blatter a mis en place une commission – la Task Force 2000 – qui devait étudier des méthodes pour rendre le jeu plus attrayant. Grâce à Andreas Herren – un ancien porte-parole de la FIFA, alors responsable des expérimentations sur les règles du jeu – j’ai réussi à parler à Blatter. « La Coupe du Monde de 1990 a été dramatique« , raconte Blatter au téléphone depuis Zurich. « En 1990 on ne voulait pas marquer de buts, c’est l’impression que ça donnait. L’objectif est de marquer, pas de défendre ».

Les arbitres également ont livré une non-performance selon Blatter. « Il n’y avait pas d’arbitres de touche professionnels. C’étaient souvent des arbitres qui ne voulaient pas jouer les figurants le long de la ligne de touche. Il y en avait un qui a décidé de signaler beaucoup trop de fautes. Et une fois, un juge de touche a refusé d’aider l’arbitre. C’était très mauvais. »

Blatter créa donc la Task Force 2000 le 13 décembre 1990. Michel Platini en était la figure de proue – une « diva du football », a déclaré Blatter, « avec beaucoup de charisme, que les gens aiment écouter ». En d’autres termes : si vous voulez organiser quelque chose, vous devez mettre un célèbre ex-pro dans votre panier. Un jour après la mise en place de la Task Force, Jeandupeux a envoyé son courrier au « cher Walti » Gagg. La lettre de Jeandupeux est arrivée comme sujet de discussion dans l’agenda de la Task Force. « Cette lettre a fait une grande impression. Tout le monde avait une idée, tout le monde savait que le jeu était lent. Mais maintenant il y avait aussi des chiffres. »

« Son écrit a pesé lourdement dans ce comité », dit Blatter. « Jeandupeux était un entraîneur, un enseignant et un véritable philosophe du football qui savait que le football était plus que juste kicking the ball (taper dans la balle). »

Cette lettre, ou la prise de conscience que le jeu devait changer, était si convaincante que les choses se sont soudainement passées très rapidement. Trois mois plus tard, à l’initiative de la Task Force, le comité responsable des règles du football mondial – l’IFAB – a donné son accord pour une expérimentation. Au cours de la Coupe du monde des moins de 17 ans, durant l’été 1991, en Italie, une nouvelle règle a été adoptée : le gardien de but n’est plus autorisé à prendre le ballon à la main lorsqu’il reçoit une passe en retrait. Pour cette occasion, Blatter avait à peu près les mêmes mots que ceux de la lettre de Jeandupeux. « Nos statistiques montrent quelque chose de bizarre. Le gardien est le joueur qui reçoit le plus de balles au cours d’un match ». Et : « Les joueurs, mais aussi les entraîneurs et les arbitres, doivent changer d’attitude pour que le football le reste le sport phare ».

L’évaluation – à l’automne 1991 – de l’expérimentation du Championnat du monde des moins de 17 ans était tout à fait positive. Et avec ces résultats en main, la FIFA a commencé à faire pression auprès de l’IFAB pour l’introduction de la règle. Ce n’était pas une mince affaire : le dernier changement sérieux des règles du jeu – un amendement à la règle du hors-jeu – datait de 1925.

De plus : les preuves dans les mains de Blatter étaient maigres : une seule évaluation positive après une petite expérience. C’est précisément pourquoi Blatter critique l’utilisation de l’arbitre assistant vidéo (la « VAR ») lors de la Coupe du monde actuelle en Russie. « Ils l’ont introduit beaucoup trop rapidement, sans tester le système correctement». Mais n’était-ce pas une situation identique avec le changement de règles en 1991-1992 ? Avec en plus une règle beaucoup plus envahissante ? Il ne s’agissait pas de faire appliquer des règles, mais bien d’introduire une toute nouvelle règle. On ne sait alors pas vraiment comment cela va se passer. Ce qui a aidé, c’est que le climat s’était apaisé entre la FIFA – la Fédération mondiale de football – et l’IFAB – la commission chargée des règles du football mondial.

L’IFAB est composée de dirigeants issus d’Angleterre, du pays de Galles, d’Irlande du Nord et d’Écosse (les Home Counties) et de dirigeants de la FIFA. Les Home Counties ont ensemble quatre voix, la FIFA quatre également. Pour prendre une décision, six voix sont nécessaires – autrement dit : les Home Counties ne peuvent rien faire sans la FIFA, mais la FIFA ne peut rien faire sans les Home Counties.

Cette répartition des votes a été conçue de cette manière et n’a jamais été changée. Mais cela a donné aux dirigeants du football britanniques du pouvoir et un sentiment de pouvoir. En particulier, les présidents des associations de football anglaises et écossaises étaient conscients de leur statut. Blatter imite dans son plus bel anglais:“Weeee have created the beautiful game, and we have introduced the Laws of the Game loooong before FIFA existed. Therefore, we are the Guardians of the Laaaaws of the Gaaame…”

Cette attitude s’est durcie dans les années soixante-dix. Le chef de Blatter, João Havelange, a annoncé lors de sa campagne électorale à la présidence de la FIFA qu’il souhaitait changer les règles du jeu. C’est mal passé à l’IFAB – durant des années un fervent opposant aux défenseurs du jeu. La leçon qu’en tira Blatter était de ne plus rien dire à voix haute à propos de ses désirs de changer les règles. Cela augmenterait les chances de faire avancer les choses, dit-il. « La délégation de la FIFA était beaucoup plus positive. Nous ne disions plus que nous voulions forcément les changer. (…) Notre attitude était la suivante : « C’est vrai, vous êtes le meilleur, vous êtes le plus grand, mais attendez une minute. Écoutez ce que les joueurs et les entraîneurs ont à dire, et ce que propose le jeu. »

Ce qui a également aidé selon Blatter, c’est qu’il ait introduit une rencontre préliminaire à la réunion de l’IFAB. Blatter avait fait en sorte que les secrétaires des différentes associations – lui l’étant pour la FIFA – discutent de l’ordre du jour un jour à l’avance. « Vous pouviez déjà jauger et influencer l’opinion des gens. En conséquence, les sessions [qui étaient tendues parce que des décisions devaient être prises] ne sont plus devenues des disputes. (…) Elles sont plus devenues une collaboration et moins « FIFA contre les associations britanniques » ».

Le chagrin largement partagé au sujet de la tristesse du football, la preuve indéniable fournie par l’analyse de Jeandupeux et la coopération avec l’IFAB ont rapidement amené à penser que les règles du jeu pourraient être modifiées. Lors d’une conférence de presse à la fin de 1991, la FIFA a présenté comme un fait qu’il y aurait un changement de règle. Et en effet : le 30 mai 1992, l’IFAB décida – « à l’unanimité, tout le monde à la réunion était favorable » selon Blatter – d’introduire la règle le 25 juillet 1992.

Gagg : « Je pense que l’IFAB n’est pas si rigide. Les gens sont ouverts à de bons arguments. Mais ce n’est pas si facile de trouver de bons arguments pour changer le jeu. » Puis quelque chose de drôle se produisit. La presse du football et les personnalités qui avaient passé des années à se plaindre du football ennuyeux … se sont mis à se plaindre des règles du jeu qui devaient justement modifier cela. Toutes sortes de scénarios d’horreur ont été imaginés. Dans leur panique les défenseurs frapperaient la balle vers l’avant, les gardiens seraient violés dans leurs droits humains (sic), et les gardiens souffriraient de plus de fractures – parce que les attaquants leur sprinteraient dessus lors de passes en retrait.

Il y a effectivement eu de la panique et du chaos – durant un court moment. En Angleterre, certains gardiens ont pris à la main des passes en retrait, d’autres ont paniqué et ont commencé à dribbler. En France, cela a même fait perdre des matchs au père spirituel Daniel Jeandupeux. « Mon gardien ne savait vraiment pas quoi faire avec la règle, ni avec ses pieds. C’était bien entendu très amusant. Mais pas pour tout le monde ». Le changement de règle a aussi fait des gagnants (temporaires). Louis van Gaal en particulier, qui était devenu l’entraîneur de l’Ajax quelques mois plus tôt. Frans Hoek, son entraîneur des gardiens à l’époque, le dit par e-mail. « C’était un avantage énorme pour nous. Le type de gardiens que nous avions était bon pour jouer au football en tant que joueur de champ. En possession du ballon (…) cela nous ajoutait un onzième joueur ».

Mais il avait aussi des avantages lorsque l’adversaire avait le ballon. Après tout, la plupart des gardiens, comme Hans van Breukelen, n’étaient pas bons avec leurs pieds. « Nous les forcions à jouer en retrait avec leur gardien et, combiné avec un bon pressing, cela amenait à beaucoup de situations avantageuses pour nous. » Les conséquences à long terme de la règle étaient beaucoup plus grandes. « L’introduction de la règle de la passe en retrait a marqué le début d’une nouvelle période plus passionnante et plus divertissante pour ce sport », écrit Michael Cox dans The Mixer, son histoire de 25 ans en Premier League. « Un tournant décisif qui a entraîné des changements majeurs et créé un sport plus rapide et techniquement plus poussé. » Les effets ont été visibles à peine quelques semaines après l’introduction. Comme la balle ne pouvait plus revenir au gardien, il n’y avait plus de moments de repos. On n’attendait plus l’inévitable et fastidieuse passe en retrait ; on attendait le prochain moment de tension.

Jeandupeux : « Heureusement, cela a rendu le sport beaucoup plus passionnant. Cela me rend heureux, quel qu’ait été mon rôle. Mais le fait que nous nous connaissions, en tant que Suisses, a bien entendu été utile. Les chemins vers la FIFA étaient plus courts ». Rétrospectivement, il est assez incroyable de voir comment des équipes, une fois qu’elles avaient pris l’avantage au score, pouvaient encore perdre le match. Après tout, vous pouviez renvoyer la balle au gardien, qui pouvait se promener avec pendant quelques secondes puis l’envoyer à un autre joueur, qui était autorisé à la lui rejouer à son tour. Il est difficile d’imaginer que ce type de football soit devenu aussi important en tant que sport télévisé. Et que – for better or for worse – autant d’argent ait circulé autour du football. Et que malgré tout cet argent, il soit apparu tellement de corruption, au sein des dirigeants du football, à propos de la vente de droits de diffusion du football.

Ce qui nous ramène à l’homme avec qui tout a commencé.

Si vous interviewez Sepp Blatter à propos du renouvellement des règles du jeu et du rôle positif qu’il a joué, me disait un ami, ça serait pour les fans de football un peu comme si vous interviewer Adolf Hitler à propos de ses talents de peintre. Parce que non, Blatter n’entrera probablement pas dans l’histoire en tant que héros du football – même s’il a des mérites pour ce sport. Il entrera dans l’histoire en tant que dirigeant d’une organisation dans laquelle a eu lieu de la corruption – sans jamais être reconnu coupable de corruption par un tribunal. (Il l’a été par le comité d’éthique de la FIFA.) La justice Suisse poursuit son enquête. Je lui pose naturellement des questions sur l’affaire, mais il ne voudra pas en dire beaucoup, comme il ne le fait jamais d’ailleurs. Blatter veut principalement être réhabilité. Ne regrette-t-il rien alors ? N’aurait-il pas voulu faire certaines choses différemment après coup ? « Bien sûr, je pense parfois à certaines choses« , dit-il. « Mais vous ne pouvez pas remonter le temps. Je ne veux rien dire de plus à ce sujet. »

« Bien sûr, je sais ce que les gens pensent de moi. C’est à eux de le savoir. Mais en ce qui concerne le développement du football, ils ne pourront rien me reprocher. »

Michiel de Hoogde

L’incroyable sauvetage

J’en étais convaincu. Pascal Dupraz était arrivé trop tard dans la ville rose pour sauver le Toulouse FC. Et je me félicitais dans le même moment. De la fidélité et de la solidité du Président Olivier Sadran dans le soutien à l’égard des hommes chargés de mener l’équipe fanion. En l’occurrence celui qu’il avait accordé à Dominique Arribagé, qui n’avait rien demandé.

Dès son apparition, Pascal Dupraz, a claironné sa vision de l’impossible exploit. Avec verve, panache, verbe haut, formule-choc. Avant de s’évanouir rapidement au travers d’un malaise cardiaque (comme Ali Rachedi, le directeur sportif qui a subi un infarctus un jour avant lui). Qui prouvait l’implication complète de l’homme à ses mots. À la vie, à la mort. Pour ressusciter le TFC.

Ce qui pouvait s’interpréter comme un signe de faiblesse s’est transformé comme un symbole de la renaissance. L’engagement total au point de risquer d’y laisser sa peau est devenu exemplaire. Pour tous les joueurs. Les jeunes, les moins jeunes, les vieux. Dans une discipline rétablie, une énergie retrouvée, une agressivité de bon aloi. À l’image de Dieupraz. Sans doute.

10 matches à disputer. 10 points à rattraper. L’exploit devait se greffer sur les victoires du TFC et la fébrilité des adversaires. Les deux se sont mariées dans un final ébouriffant. Le Tef l’a emporté contre le solide Angers. En marquant 3 buts à l’extérieur contre une des meilleures défenses de France. Après avoir été mené 2 fois. Après avoir raté un penalty et frustré par une barre revêche. En pressant haut pour conserver le score.

Quand un homme de cœur arrive à sublimer ses footballeurs, à valoriser leur talent au-delà de l’attente, à réveiller une région de rugby au football, qui considérait avec un brin de mépris la Ligue 1 comme un bien acquis définitivement. Il est un vrai et grand entraîneur. Au point de nous faire rêver à l’épopée de Leicester.

A l’ombre de Johan

L’étoile filante s’est finalement désintégrée. Après avoir illuminé notre ciel pendant des années. Cruyff nous a inspiré. Comme joueur. Par son brio, son talent, son culot, ses prises de risques. Par sa créativité, son dynamisme, ses qualités techniques et son pouvoir d’accélération phénoménal. Par sa personnalité. Immense. Par son refus du compromis et de la médiocrité. Par son panache et ses prises de position. Par son palmarès éclatant, auquel ne manque qu’une couronne, celle de champion du monde. Que je lui dédie à titre posthume. Après avoir rêvé le voir terrasser les teutons avec ses oranges ébouriffantes de panache et de générosité. En Allemagne. En 1974. Du football comme on l’aime encore des décennies plus tard.

J’ai rêvé l’affronter sur une pelouse. Une seule occasion s’est offerte à moi. Nos carrières suivaient des chemins parallèles à des altitudes différentes. Lui tutoyait la célébrité. Je n’avais réussi à m’attribuer moi-même qu’un sobriquet qui me flattait et que je n’évoquais que dans l’intimité de ma conscience. J’étais le Cruyff du pauvre. Avec les mêmes qualités que le maître. Un ton en dessous. Un match international entre les Pays-Bas et la Suisse devait ma permettre de croiser son chemin. Une blessure l’avait privé du rendez-vous. Pour ma plus grande frustration.

Nous aurions pu nous affronter en tant que coach. Nous avions la même sensibilité, les mêmes idées au sujet de la manière de faire évoluer les footballeurs dont nous avions la charge. Avec la volonté d’utiliser la technique et la vitesse, avec l’envie de l’offensive et du panache. Là encore, nous n’évoluions pas dans la même catégorie. Lui au sommet. Avec style et classe. Comme un symbole. Comme une étoile du berger qui donne la direction à mes envies. Comme une lumière qui guide ses admirateurs.

J’ai rencontré Johan une fois. Dans un bus. En Angleterre. Lors de l’Euro de 1996. J’ai réussi à lui clamer mon admiration sans borne pour l’ensemble de son œuvre et ma volonté d’en faire ma tête d’affiche du livre que j’ai consacré aux meilleurs entraîneurs du monde (les sorciers du foot). Il était, malheureusement pour moi, sans emploi à cette époque. Je n’avais pu réaliser ce vœu pieu. Cette révélation avait pourtant semblé illuminer son visage d’une fierté bienveillante.

La vie de Cruyff m’a toujours inspiré. Je n’ai aucune envie de le suivre dans sa nouvelle échappée. J’ai envie de profiter encore de nombreux moments de bonheur. Même sans football.

Biathlon vainqueur

Les hivers sans fin de ma jeunesse, dans les montagnes neuchâteloises, m’avaient prédisposé à porter une attention particulière aux sports de neige. A pratiquer le ski de pistes, bien sûr. A chausser mes patins et à porter la crosse pour jouer au hockey sur glace. A admirer les champions des mois de froidure à la télévision.

Mais jamais je n’aurais imaginé me prendre de passion pour le biathlon. Mon épouse Carmen m’a converti par ses commentaires positifs. Des athlètes dominateurs ont titillé ma curiosité. Leur palmarès immense a soutenu mon intérêt. Bjoerndalen ne cesse de m’émerveiller. Comme Poirée auparavant, un ton en dessous, mais avec l’avantage considérable, pour moi, de posséder un passeport français. Comme moi. Ce qui rapproche énormément. Surtout les jours de victoire. Je me découvre aujourd’hui un chauvinisme béat. Pour de voler au secours du succès. Comme d’autres avant, qui m’exaspéraient.

J’ai suivi avec régularité toutes les épreuves des Championnats du Monde d’Oslo. Et si j’ai bien compris que pour remporter la compétition, il est recommandé d’être un des meilleurs skieurs de fond, comme Martin Fourcade ou Marie Dorin Habert, par exemple. Mais ce talent ne suffit pas.

Les titres se gagnent aussi sur le stand de tir. Couché, puis debout. Sans trembler. Si possible. L’exercice est rendu encore plus difficile par la violence de l’effort préalable sur les skis. Il s’agit d’être calme et déterminé, carabine en main. Repousser les pensées négatives, pour réussir. Comme dans tous les sports.

Mais au biathlon, l’intensité dramatique s’exacerbe un peu plus à chaque balle tirée. Comme à la roulette russe. L’échec peut se payer cher. Sous forme de tour de pénalité, ou de temps perdu définitivement. A chaque passage devant les cibles, selon la réussite derrière le viseur, de nouveaux compétiteurs peuvent se voir éliminés de la course au bouquet du vainqueur.

Cette incertitude, qui pèse jusqu’à peu de temps avant l’arrivée, m’excite. Tout paraît possible. Comme à la loterie. Pourtant, seuls les plus forts l’emportent. Marie Dorin Habert et son joli minois se révèlent chercheuse de pépite. Martin Fourcade, aussi. Et quand il échoue dans sa quête d’or, il récolte l’argent.

Quels beaux champions français.

Platini, hors-jeu

Alors que Blatter, un jour après Platini (tous deux en vacances du pouvoir), répond de ses méfaits devant la commission de recours de la FIFA, il est possible d’affirmer que l’intrigant masqué (je ne crois pas à l’indépendance des magistrats de la Fédération Internationale) a parfaitement réussi son coup.

Les jeux sont faits. Même rétabli dans son honneur, Platini ne sera pas président de la Fifa. Il a décidé de renoncer à présenter sa candidature.

A qui profitera le forfait? Impossible de le prédire, puisque l’élection n’aura lieu que le 26 février. Mais une autre question s’impose. Qui donc a initié les problèmes du Nancéien? Michel le sait et le clame haut et fort: le méchant se nomme Blatter, président sortant. Nous n’en comprenons pas les raisons. Sepp Machiaviel est trop habile pour attaquer de front. Il est capable de placer des mines impersonnelles sans jamais revendiquer l’attentat. De se montrer d’une loyauté apparente sans borne en avouant le paiement de 1,8 millions de francs suisses pour la mission du numéro 10. Qui pose problème aujourd’hui.

Je ne serai pas le premier à jeter la pierre à Platini ni la dernière d’ailleurs. Moi aussi, dans ma carrière de football, j’ai travaillé sur la base d’accords verbaux. Et j’ai provisoirement (ou même  définitivement) renoncé à des paiements d’argents qui m’étaient dus pour des raisons de difficultés de trésorerie. Seuls choquent la somme et le moment du virement.

Au moment des faits, j’étais dans la boucle. Platini refusait d’habiter Zurich. Ce qui semblait rédhibitoire pour devenir un salarié de la FIFA. Au point que Walter Gagg, le bras droit de Blatter m’avait sollicité pour savoir si un poste de directeur technique pouvait m’intéresser. Ce qui m’excitait et me faisait rêver. Et que j’ai refusé pour la seule et bonne bonne raison que j’étais déjà sous contrat avec le Stade Malherbe Caen, alors en 2e division, comme manager général. Ce qui ne m’avait pas empêché de me rendre en Suisse pour évoquer la chose. Et de suggérer que Michel pouvait devenir conseiller du Président de la FIFA. Ce que personne ne pourrait empêcher. Je ne me doutais pas alors que la réalisation de cette idée aurait de telles implications financières et des conséquences sur l’histoire du football mondial.

Aujourd’hui, Michel doit renoncer à son ambition de devenir de numéro 1 mondial. Titre qui lui paraissait promis. Un tsunami de reproches (justifiés ou non) l’a plaqué sur une position défensive. Dont il ne pourra pas sortir de sitôt. Il ne peut aujourd’hui qu’espérer restaurer son honneur, bien malmené par la sanction violente et lourde (8 ans d’interdiction d’exercer une fonction officielle dans le football). Michel, rayonnait sur le terrain par sa technique et son sens du jeu. La dernière qualité l’a aidé à devenir un dirigeant incontournable. Avec ses combats pour un football équitable, sans dopage financier.

D’habiles politiciens l’ont mis hors-jeu. Je regretterai ses positions bien tranchées, même si je ne partageais pas unanimement ses ses décisions.

Le nouveau Stadium

Je n’ai pas attendu les feux d’artifice, ni les discours d’inauguration finaux. Cela ne m’empêche pas d’affirmer que la rénovation du Stadium de Toulouse est réussie, même si l’enceinte reste toujours aussi évasée. Et je comprends aujourd’hui la différence entre deux mots du football. Le « supporter » supporte. Le « spectateur » regarde, et crie sa désapprobation après. Il y avait donc bien 35 000 spectateurs  pour voir Toulouse FC affronter le PSG. Pauvre ambiance.

Et la partie presque soporifique est rassurante pour les deux équipes.

Le PSG, sans Di Maria, Verrati et Thiago Silva s’est imposé 1-0 sans forcer son talent. A l’image de Thiago Motta, le baromètre de l’équipe, qui avait décidé de jouer avec sa tête plutôt qu’avec son cœur, et qui en avait gardé sous le pied. Un match joué et remporté en jouant à 70% de son potentiel permet de conserver l’énergie qui sera très utile dans d’autre circonstances plus importantes. PSG a  vaincu. Sans jamais devoir accélérer. Et trois de ses défenseurs ont démontré un potentiel énorme. Aurier, Marquinhos et David Luis ont impressionné. Individuellement, par leur qualité athlétique et leur sens de l’anticipation. Collectivement, parce qu’ils ont su faire face à maintes infériorités numériques. Avec brio. Avec sang-froid. Et Trapp, dans une journée sans faute, peut faire gagner un match.

Toulouse a accompli une performance de qualité, indépendante de l’investissement minimal de l’adversaire. Qui laisse présumer d’un maintien probable en Ligue 1.

Arribagé, l’entraîneur fait preuve d’un état d’esprit positif. Même dans la difficulté. Il introduit des jeunes qui dynamisent l’équipe, qui lui redonnent de la fraîcheur et de l’envie. Il est capable de changer de dispositif tactique pour gêner le contradicteur comme contre le PSG en passant à un 5-4-1. Lafont, à 17 ans, rassure dans les buts. Comme Diop, 19 ans, hyper puissant, dans l’axe. Tisserand dans l’axe amène de la maîtrise. Doumbia et Akpa Akpro travaillent beaucoup grâce à de belles capacité athlétiques dans un milieu de terrain très fourni. Trejo, très actif, distille des actions de talent en direction du but adverse. Braithwaite, endurant, rapide, très joueur, a presque tout réussi dans ses prises de risque et a étonné par la justesse de son jeu.

Ben Yedder, volontaire et très en jambe, avec un grand sens du but et beaucoup de qualité technique, est capable de marquer à tout moment.

Manquait Machach contre les parisiens, 20 ans, très complet, qui peut valoriser le 11 violet.

Le TFC va se maintenir en Ligue. Moi, j’y crois.

Sans Benzema ?

Ses parents n’ont pas manqué de lui inculquer de bons principes pour affronter l’existence. La cour de récréation, les couloirs d’escalier, la cité, lui ont appris d‘autres règles de vie. La loi du plus fort. Celle que les dirigeants qui le gouvernent aujourd’hui ont intégrée avec beaucoup plus de finesse que lui. Qui parfois même sont prêts à trahir pour parvenir à leur fin. Leurs alliés. Leurs amis. Karim n’est pas de ceux-là. L’amitié est sacrée. Promis. Craché. Juré. Quoi qu’il arrive. Même si son meilleur pote Karim Benzati est passé par la case prison.

L’occasion était trop belle de donner un coup de pouce à son proche. En prévenant amicalement Mathieu Valbuena d’une menace qui planait dans l’air au sujet d’ébats qui devaient rester intimes. Je ne parviens pas à croire que Benzema avait l’intention de faire chanter son coéquipier de l’équipe pour en tirer un profit personnel. Je félicite Valbuena de son obstination de refuser de bourse délier. Je regrette les proportions prises par un problème privé qui assombrit l’avenir du onze de France.

Karim Benzema a toujours provoqué deux sentiments contradictoires en moi. J’ai beaucoup d’admiration pour son talent de footballeur, son altruisme extrême pour un buteur, sa recherche du geste juste, sa complicité exacerbée du jeu avec le partenaire (par manque de dribble ravageur ?). Son manque de joie apparente sur un terrain m’a invariablement choqué depuis que je l’ai vu perdre la finale de Gambardella contre Strasbourg. Il semble s’ennuyer sur le gazon. Ce qui me paraît impossible, invraisemblable. Et probablement une mauvaise interprétation.

Valbuena me plait bien depuis qu’il tombe moins souvent pour simuler la faute. Il est droit dans ses bottes, fier, combatif. Champion dans l’âme. Dommage qu’il démontre tant de négligence dans sa vie personnelle. Au point de laisser trainer son smartphone et de se voir subtiliser sa sextape imprudemment stockée. Qui aura fait parler, écrire, à défaut de faire chanter.

Didier Deschamps, le sélectionneur pèse ses mots. Pour ne pas perdre définitivement ses joueurs. Pour conserver son autorité et la discipline du groupe. Parce qu’il croit en Martial et Coman, les futurs grands, sans leur faire une confiance aveugle. Parce qu’il n’est pas encore obligé de trancher.

Benzema ne comprend pas. Qu’on puisse s’acharner pour le démasquer. Alors que pendant des années, il pouvait presque tout se permettre. Qu’on lui passait presque tout. Parce qu’il était efficace, brillant, connu, puissant et riche. Pourquoi ces embrouilles avec la justice aujourd’hui? Comme Michel Platini, Sebastian Coe, Nicolas Sarkozy. Et bien d’autres qui n’étaient pas traités comme le commun des mortels, avant d’être poursuivis par les ennuis.

Le calme de Xavier

Arrive la zone d’inconfort. Une série d’insuccès s’enclenche (3 défaites de rang). L’euphorie s’évanouit. Les rêves s’éteignent. Ne reste que la réalité. Et les premiers objectifs ressurgissent. Sans plaisir. La nervosité s’insinue. Mais aujourd’hui, le calme subsiste. Définitivement ?

C’est dans ces moments-là que j’attends Xavier Gravelaine. Qui a, à maintes reprises, provoqué des embellies lors de ses passages, mais qui souvent s’est rembruni, agacé, irrité, crispé, exaspéré au fil des périodes de disette. Pour lui. Pour son équipe. Manager général à l’heure actuelle, il paraît parfaitement maîtriser ses nerfs, qui semblent ne plus jamais être à vif, à fleur de peau ou se mettre en boule. Comme l’année dernière, pendant la suspension injuste de son Président.

Dans ma tête, c’était 17 fois. Wikipédia m’apprend qu’en fait, il a changé 18 fois de clubs (Nantes, Pau, Saint-Seurin, Laval, Caen [2x], PSG [2x], Strasbourg, Guingamp, OM, Montpellier, Watford, Le Havre, Monaco, Ajaccio, Istres et Sion). Ce qui dénote une instabilité certaine et une longue carrière. Avec un amour immodéré pour le jeu. Pendant 493 matches de compétition pour 158 buts marqués. Et je sais, après vérification, avoir été le seul entraîneur à l’avoir supporté (dans tous les sens du terme) pendant deux saisons de suite. Ce qui m’incite à m’interroger à son propos. Et encore plus au sujet de mon management en particulier.

Pourquoi Xavier a-t-il à si maintes reprises été rejeté par ses coaches ? Ou, pourquoi a-t-il si souvent cherché son bonheur ailleurs ? Pourquoi n’avons nous pas subi de conflit majeur à Caen ?

Je me souviens de l’impression favorable qu’il m’avait laissée lors d’un match amical entre Caen et Laval. Il semblait avoir la capacité à échapper à la vigilance adverse, à faire peser un danger à chaque touche de balle.

À son arrivée en Normandie, il voulait jouer 10. À cette position, il déséquilibrait notre organisation défensive. Par manque de rigueur. Par intermittence. Par négligence. Par idéal ? Par insuffisance d’endurance naturelle. J’en ai fait un attaquant. Pour notre très grande satisfaction. Sa technique, sa conduite du cuir, son adresse, son côté imprévisible (une partie de son caractère), son sens du jeu, du contre-pied et du but, sa créativité m’enthousiasmaient. Et m’aidaient à fermer les yeux lors de ses sautes d’humeur. Parce que dans mon for intérieur, je donnais raison à son génie, à son interprétation des arcanes du jeu, parfois incompréhensible pour ses partenaires. Je le soutenais sur le fond. Pas dans la forme de l’expression de son courroux. Certains pensent que sa carrière internationale aurait pu se révéler plus prolifique avec un meilleur caractère. Je crois surtout qu’une plus grande vitesse de course aurait fait oublier ses travers.

Dans ses nouvelles fonctions, Xavier démontre le même talent. Il a foi dans le jeu. Il donne crédit à la technique, au brio, au don, à la virtuosité. Pour de belles découvertes. Je suis avec excitation l’évolution de Jeff Louis au SMC. Lui qui m’avait charmé au Mans. Par ses bons côtés.

Allez Malherbe ! Merci Xavier.