J’en ai rêvé. Domenech l’a fait. Je n’aurais pas osé. Par pudeur. Par timidité. Mais c’est vrai, j’aurais du louer la patrouille de France pour qu’elle écrive dans le ciel en lettre géante de son panache blanc : « Carmen, je t’aime ». Ou j’aurais pu afficher ma passion sur un beffroi. Ou louer les tableaux lumineux à Time Square pour passer le message en continu. Mais je n’ai pas l’envergure du grand amour.
Pourtant le coup de foudre, je connais. Quand tous tes sens, tout ton cœur et toute ta chair t’aimantent à l’autre. Quand l’autre moitié devient les trois quarts de toi. Quand tu t’oublies pour elle. Quand tu ne respires et ne penses qu’à travers elle. L’amour fou rend aveugle. C’est donc appuyé sur une canne blanche que je braille mon désaccord pour la demande en mariage de Raymond Domenech à Estelle.
Raymond, demander une main n’exige pas la même fougue, le même brio que déclarer sa flamme. Faire ses civilités à beau-papa, sans entendre sa réponse, parce que de toute manière tu passeras outre, d’accord. Mais le mariage n’est qu’une conséquence logique de deux feux qui ne demandent qu’à en faire un. Pas besoin de millions de téléspectateurs pour officialiser la requête. Cela ressemble trop à un exercice de communication. À quelque chose de prévu et de préparé, que tu voulais sortir en cas de Victoire. Comme se prénomme votre fille. En cas de fête, l’épate serait passée, aurait séduit. En cas de défaite, c’est éliminatoire. Tu prouves que le centre de ta vie est dans ton couple. Comme pour nous tous. Mais après le bilan famélique de l’Euro 2008, qui a humilié des centaines de milliers de Français, qui en ont pleuré, le recul n’était pas de mise. J’ai assez d’ironie en moi pour comprendre la tienne. C’est d’ailleurs ce qui peut me rendre détestable.
Je me joins donc à la curée (pas pour le sacrement du mariage en robe blanche) pour demander que l’on te monte sur l’échafaud, et que l’on active la guillotine. Pas à cause de ta personnalité. Mais simplement parce que le football joué par les bleus m’ennuie, me lasse, me tracasse, m’agace, m’importune, me déplait, me contrarie, m’embête, m’excède, m’énerve, me crispe et m’horripile. Et que seul le succès (je vénère la réussite) me permet de le supporter. En cas de Bérézina, il faut changer.