Coup d’envoi

J’aurais dû écrire avant le match. Pour polémiquer, pour créer le buzz. Ou pour attester mon expertise. En affirmant que la performance sans âme du PSG contre Toulouse ne laissait pas obligatoirement présager un insuccès contre Barcelone. Par mon vécu de joueur et d’entraîneur, je sais bien qu’il faut prendre les rencontres les unes après les autres. Pour ne pas rater le pensum avant l’événement.

Au Stadium, dans le programme officiel, les statistiques de l’équipe parisienne écrasaient la concurrence. 6033 passes réussies contre 4598 à Monaco, deuxième. J’ai rêvé d’un football d’intelligence et de passes. Guardiola l’a fait. Blanc s’en est inspiré. Jusqu’à l’ennui. La technique et la maîtrise dans la conservation du ballon chloroforment le spectacle. Plus de prises de risques. Disparue la spontanéité. Tir à Blanc.

En Ligue des Champions, cette base de jeu solide redevient dynamique. Avec du cœur, de l’âme et des tripes, PSG gagne. Et enchante. Outre  que le Barça évolue aujourd’hui sans calcul.

Le déclin de l’empire catalan

Vous connaissez la différence entre un penalty et un tir au but. Le penalty est un coup de pied de réparation qui se joue à 11 mètres des buts pendant toute la durée du match et laisse une deuxième chance au tireur à la suite d’un renvoi du gardien. Le tir au but se pratique du même endroit, à la fin du temps réglementaire pour départager deux équipes à égalité. Le tireur doit conclure en une fois.

Dans les faits, il n’y a aucune différence. Quand Messi frappe un penalty sur la barre contre Chelsea, l’échec devient celui de Barcelone et le sien, personnellement. Quand Cristiano Ronaldo échoue lors du tir au but face à Neuer, l’échec devient celui du Real Madrid et le sien, personnellement. Comme le vainqueur a toujours raison, les louanges ne peuvent s’adresser qu’à Chelsea et au Bayern Munich qui se sont qualifiés parce qu’ils étaient les meilleurs. C’est simple. Et tellement basique que mon avant-propos s’efforce simplement de rappeler la fragilité et l’incertitude d’un résultat lors d’un ou deux matches. Qui nous font adorer le football.

Mes « cartes blanches » tentent plus souvent d’interroger l’avenir, avec tous les risques d’erreurs que cela comporte, que de dresser des constats. Je déroge ici à mes habitudes. Si les confrontations entre le Bayern et Real m’ont paru équilibrées, avec des moments forts pour chaque équipe, les rencontres entre Chelsea et Barcelone n’ont pas fait éclore les mêmes sentiments, avec beaucoup  conclusions contradictoires. Le Barça a possédé le ballon pendant 72 % et 83 % lors des deux joutes, ce qui pouvait laisser croire à un monologue catalan. En me fiant à ma formule magique pour la prédiction (l’impression générale + les occasions de but = le résultat), Barcelone pouvait, devait se qualifier parce que ses grosses opportunités de marquer ont été 3 fois plus nombreuses que celle du club londonien. Et souvent, la multiplication des situations favorables permet de marquer. Et donc de gagner.

Toutes les chiffres des statistiques du double affrontement, mais surtout du match retour, parlent pour les Espagnols. Ceux évoqués ci-dessus. Mais aussi les autres avec 23 tirs à 7 et 10 corners à 1. Mais malgré une possession de balle monstrueuse, l’impression générale laissée par Barcelone m’a laissé sur ma faim. Et cela depuis quelque temps.

Parce que dans un football hyper collectif comme celui du Barça, il est anormal que les résultats de l’équipe soient aussi dépendants d’un seul joueur, Messi. Même s’il est le meilleur footballeur du monde, passeur et buteur. Et tireur de penalty comme tout champion qui se respecte et qui prend ses responsabilités.

Parce qu’Iniesta surtout, et dans une moindre mesure Xavi, sont très éloignés de leur meilleur niveau. Ce qui promet des moments périlleux à la sélection de Del Bosque en juin.

Parce qu’en l’absence de Villa, seul Alexis Sanchez fait peser la menace provoquée par un vrai attaquant.

Parce que l’absence d’Abidal, pour maladie et celle de Piquet, par manque d’implication professionnelle, affaiblissent l’équipe dans son potentiel athlétique et dans le jeu aérien.

Parce que Tello ne possède pas encore les canons techniques exigés par une demi-finale de Ligue de Champions, ni devant le but, ni dans le jeu puisque sa perte de balle est à l’origine du 1-0 de Drogba à Stamford Bridge. Parce que Fabregas a démontré des limites dans l’utilisation de son pied gauche devant le gardien.

Parce que Guardiola, admirable de dignité et de compétence, a démontré des signes d’essoufflement. Je l’ai toujours cru sincère quand il a déclaré qu’il ne voulait signer un nouveau contrat au Barça, que s’il s’en sentait la force. Il vient de confirmer ses dires en prenant une année sabbatique. Cela rejoint mon ressenti d’entraîneur parce que l’énergie est un des moteurs fondamentaux du succès. Et que son échec me rappelle une anecdote jamais dévoilée.

En mai 1997, j’ai rendu visite à Marcello Lippi à quelques semaines de la Finale de la Ligue des Champions. Il était submergé par les sollicitations et beaucoup moins disponible que lors de mon premier passage. Moins branché sur son métier. À ma réponse négative concernant mon avenir de coach, il m’avait confié :

« Moi aussi, de temps à autre, je préférerais être sur ma barque en train de pêcher »

Une vingtaine de jours plus tard, Juventus, grandissime favori, perdait 3-1 contre le Dortmund d’Hitzfeld. Par manque de fraîcheur. Mentale et physique. Comme le Barcelone d’aujourd’hui.