Mea culpa

Dans l’interview d’après match, Rudy Garcia a reconnu ses torts. Ce qui démontre courage, honnêteté, lucidité et une sacrée confiance en soi. Avouer : « Nous avons laissé jouer le Bayern et c’est de ma faute. Je me suis trompé de stratégie » c’est signifier à la terre entière et à ses joueurs que l’on se sent responsable. Dans tous les sens du terme.  Cerveau, chef, inspirateur, instigateur, locomotive, maître d’œuvre, meneur, moteur, organisateur, patron et décisionnaire. Mais aussi coupable et fautif. En reconnaissant son erreur, il l’accepte. La banalise  en lui accordant une dimension exceptionnelle, anecdotique. Il se donne le droit du mauvais choix. Ce qui nous paraît normal au quotidien. Mais pas dans ce contexte. Son mea culpa a pour avantage de déresponsabiliser ses footballeurs de la déroute, de ne les remettre ni en cause ni en question, d’essayer de les laisser croire en eux. De tenter de fortifier leurs estimes d’eux-mêmes. Pour un excellent management des hommes. Sans garantie.

Mais qu’entreprendre contre un adversaire de cette dimension ? Qui presse âprement, sans répit, avec agressivité et concentration. Et qui paraît si précis techniquement que la perte de balle semble hautement improbable. Et qui conserve la sphère avec l’intention d’attaquer et de marquer. Rapidement. Merci Guardiola.

Rudy avait choisi de rester fidèle à ses conceptions contre Munich. Comme un grand. Sans concessions à l’égard de ses convictions, décisives en championnat. Avec l’initiative qu’offre la possession du cuir. Avec un jeu libéré, optimiste. En pariant réussir à imposer son style pour obliger les Allemands à s’adapter. Sans volonté exacerbée de défendre uniquement.

Le glorieux projet s’est transformé en déroute. Reste à demeurer confiant, serein, sûr de ses forces et positif. Pour chasser les mauvaises ruminements. Un challenge difficile.

Porte ouverte au doute

Parfois la perte de mémoire arrange bien les choses. Je ne me souviens pas d’avoir été défait 7 à 1. Ni comme joueur. Ni comme technicien. Et surtout pas à domicile. Un à sept. Comme la Roma de Rudi Garcia et de Gervinho, hier soir, que j’ai côtoyé au Mans. Que je suis avec affection.

J’avais trouvé l’équipe de la capitale en progrès dans son duel au sommet perdu 3-2 à Turin contre la Juventus. Avec de la qualité de jeu et de comportement. Avec plein de confiance en soi et de certitudes. Qui risquent d’être balayées par ce revers cuisant.

La partie été entamée avec ces ingrédients positifs. Jamais Yanga-Mbiwa ne m’avait paru si serein, clairvoyant, et lucide. De ces vertus que le « Mister » sait si bien insuffler à ses protégés. Volonté de jouer, d’attaquer, de posséder le ballon ont été étouffé par le pressing du Bayern. L’avis de tempête s’est transformé en tsunami bavarois. Qui emporte tout sur son passage avec sa qualité individuelle et son sens collectif. Qui oblige a de lourds travaux.

Une des caractérisques majeures de Rudi réside dans sa force de conviction pour consolider les egos, leur faire prendre conscience de toute leur dimension. Il aura fort à faire après cette débâcle. Inventer les mots justes. Ne pas douter de lui-même. Vu sous cet angle, le prochain match sera excitant. Pour les observateurs.

Le blues du Bayern

L’analyse des défaites du Bayern Munich avant le match retour de la Ligue des Champions contre le FC Bâle m’avait rassuré. J’avais alors écrit : « Malgré les défaites et l’inefficacité, j’ai beaucoup aimé. J’ai adoré la stabilité des compositions d’équipe, la permanence des choix (même dans la difficulté), la qualité de l’état d’esprit, la volonté d’attaquer et les débuts de matchs entamés pied au plancher ». Les revers avaient suivi des performances prometteuses dans l’utilisation du ballon avec une prolifération conséquente d’occasions de buts que seul un manque de réussite avait empêché de transformer en victoire.

Indépendamment de l’aspect psychologique, l’ultime fessée 5 à 2 contre le Borussia Dortmund en finale de la Coupe d’Allemagne est, pour moi, chargée de nouveaux enseignements. Elle résulte de bourdes individuelles, certes, qui ne se reproduiront pas obligatoirement. Les bévues de Boateng se sont additionnées à la balourdise de Badstuber et à la maladresse momentanée de Neuer. Pour un score calamiteux. Qui a été déclenché par l’essaim de guêpes jaunes et noires de Dortmund, agressives dans le pressing et si mobiles et véloces, qu’elles ont été capables de provoquer des points de surnombres dans de nombreux endroits du terrain. Aussi bien en défense qu’en attaque. Jusqu’à déclencher des gestes de panique chez quelques Bavarois.

Avec plus de puissance et d’expérience, mais moins de mobilité, Chelsea et Drogba, pourront exploiter des espaces que le jeu de possession du ballon, d’écartèlement de l’adversaire et de domination territoriale libère autour des défenseurs centraux. À condition de ne pas être étouffés par l’absence de contact fréquent avec le cuir. Car le Bayern détient tant de talents offensifs qu’à tout moment, il peut marquer des buts par Gomez, Robben et Ribéry, surtout. Avec un équilibre d’équipe précaire qui peut pencher vers l’avant. Comme je l’apprécie.

Depuis son entrée en fonction le 4 mars 2012, Robert Di Mateo convainc. Sans restriction. Il a effacé « Special Two » Villas-Boas. Et son projet révolutionnaire de football de demain. Sensé étourdir la concurrence à coup de formules magiques. En changeant les habitudes et en égratignant le statut de ses stars, comme c’est souvent le cas quand une solution ne s’impose pas rapidement, pour essayer de créer un amalgame explosif.

Fidèle à son vécu de footballeur volontaire, sérieux, intelligent et technique. Travailleur et talentueux. Avec un sens du jeu qu’un manque de vélocité et d’explosivité pouvaient estomper au premier coup d’œil, Roberto fait un football d’aujourd’hui. Généreux. Sincère. Sobre. Et victorieux. Chelsea enfile les exploits truffés d’émotions comme des perles. Avec la chance des audacieux qui n’hésitent pas à choisir leurs options. Que ce soit de l’attaque à tout va contre Naples ou de la défense à outrance contre Barcelone. Que ce soit de la maîtrise contre Benfica. Di Matteo connaît toutes les tactiques, les utilise avec habileté. Victoire convaincante en Cup contre Liverpool. Mais son impact sur son groupe ne naît pas que du jeu.

Son respect du footballeur et surtout de ses cadres vieillissants, Terry, 31 ans, Lampard, 34 ans et Drogba, 34 ans, régénère les âmes, ressuscite  les ardeurs et les envies, ragaillardit les mollets, réinvente la bagarre. Les vieux paraissent meilleurs que jamais, forment une colonne vertébrale solide, batailleuse, orgueilleuse. Cech retrouve le niveau supérieur qui était le sien avant son accident et le port de son casque. Même Torres envoie de plus en plus souvent des flashs éclatants du niveau de l’attaquant ravageur qu’il était à son arrivée en Angleterre. Une équipe forte dans l’axe peut voyager. Les suspensions des piliers de défense Terry et Ivanovic pour la Finale de Munich, ainsi que celle de ses voltigeurs Meireles et Ramires compliquent la tâche de l’entraîneur.

Pour terrasser le Bayern chez lui, pour apporter le Graal à son président Abrahamhovic avec une équipe qui a dépassé son zénith depuis deux ans au moins, Roberto Di Matteo aura besoin de toute sa créativité et de sa force de conviction. Avec deux options. Celle de la sagesse, avec une défense renforcée pour rassurer ses remplaçants. Ou celle de la folie, avec deux attaquants d’axe, Drogba et Torres, pour châtier Munich dans ses points faibles.

J’aurais risqué la deuxième solution. C’est pourquoi je suis assis devant mon ordinateur et pas sur un banc de touche. Avec de telles idées, je fais moins de dégâts en écrivant.