Mon programme de voyage au Brésil , organisé avant le tirage au sort, présentait un point de faiblesse, que je n’ai pas réussi à contourner. Le vendredi 20 juin, je décollais de Salvador à 16h08, soit 8 minutes après le début du match Suisse-France. J’ai certes pu retrouver dans la mi-journée des visages connus grimés aux couleurs nationales dans le Pelourinho, qui appartient au patrimoine mondial de l’humanité. Je pensais n’apprendre le résultat du choc qu’à l’atterrissage à Belo Horizonte.
Bonne surprise, l’avion de la compagnie Azul disposait de petits écrans et diffusait la rencontre en direct. Bonne surprise, à la mi-temps, mon cœur me confirmait que je n’avais pas renié ma citoyenneté d’origine, l’humidité de mes yeux avait choisi son camp. Même si je voyage avec mon passeport français.
Le match a bien mal commencé pour les Helvètes, avec des Français qui avaient fait leur la devise olympique : « plus vite, plus haut, plus fort » et plus technique aussi. Et qui contrait une équipe à croix blanches au jeu ambitieux, avec des latéraux offensifs, partis vers l’avant et sortis de leur rôle défensif à la perte de balle, ce qui arrivait régulièrement après 5 secondes de possession pendant les 15 premières minutes. La déroute suisse aurait pu être évitée, malgré la différence de niveau du début, avec beaucoup de si, que j’effacerai immédiatement après les avoir évoqués.
Si Von Bergen n’avait pas été blessé, peut-être qu’il aurait soulevé sa jambe gauche avec plus de promptitude que Senderos au moment de la passe géniale de Pogba à Benzema pour le quatrième but. Si Benaglio avait fait preuve de plus de détente sur le coup de tête de Giroud pour le premier but (ou laissé Rodriguez sauver sur la ligne). S’il avait mieux fermé son angle au premier poteau lors du goal de Matuidi (2-0). Ou si le joueur offensif (?) chargé de reculer avait neutralisé Giroud dans son sprint de 60 mètres en profondeur, à la suite d’un corner en sa faveur (3-0).
La Suisse a pris une belle fessée parce qu’elle a accepté de découvrir son arrière dès le commencement (sans souci de défendre à outrance). Avec une volonté d’avancer, avec une envie de dominer tout de suite étouffée dans ses prémices et foudroyée par la fulgurance des flèches empoisonnées frappant son but. C’est bien la machine annoncée par Othmar Hitzfeld (un rouleau compresseur de très forte cylindrée) qui s’est mise en branleà partir l’entame. Et avec une réussite immédiate.
Deschamps avait bien préparé son affaire. C’est ce que me laisse penser l’ouverture du score. Giroud s’étant placé nettement hors de la couverture en zone des rouges et blancs sur corner. Quand il a pris le ballon, il arrivait lancé, en course avant pendant que les Suisses reculaient. Net avantage Giroud. Plus vite, plus haut, plus fort. Et coup de tête puissant. 1-0. Et fin des illusions deux minutes plus tard.
Hitzfeld se trouve devant un sacré dilemme avant le dernier défi qualificatif. J’ose croire qu’il saura le relever avec confiance, sang-froid, détermination et audace. Comme il l’a fait à la mi-temps. Où un entraîneur latin aurait fermé la boutique pour éviter la débandade, il a continué à risquer, à jouer à quitte ou double, comme un Allemand qui jette toutes ses forces jusqu’à la dernière minute. Et là, quand le rythme a un peu baissé, les arrières-petits-fils de Guillaume Tell ont démontré de belles qualités de cœur et de jeu.
Hop Suisse !