L’ample drapeau vert, blanc, rouge qui vêt un bout de façade de son habitation n’affiche aucun sentiment de rejet de sa nationalité ou l’envie d’une provocation revancharde. Fabrice est bien français, même si son nom, Favetto-Bon, exhume une origine transalpine, qui n’a pas forcément dû être toujours facile à porter pour une autre génération de sa famille émigrée. Le David de Michel Ange de la Piazza della Signoria, imprimé sur son tablier qu’il porte, avec des proportions adaptées à une illusion d’optique troublante, procède du même humour badin. Les couleurs des brochettes de tomates cerises, mozzarella et basilic soulignent discrètement le clin d’œil organisé pour l’événement, comme les spaghettis all’arrabiata, et la grappa parfumée et chaleureuse. Avec une rasade pour Prandelli et le spectacle offert. Et un verre pour fêter une victoire méritoire contre une Allemagne joueuse et généreuse. Que je ne renierai pas, même dans la déconfiture !
La défaite de 3 – 0 de la squadra azzura en match de préparation à l’Euro contre la Russie, dans une ambiance plombée par de multiples problèmes et polémiques, dont des soupçons de corruption qui pèsent sur le Calcio, paraissait compromettre les chances d’une équipe assaillie de doutes et d’attaques nauséabondes. Comme souvent, les soucis ponctuels ont permis au flamboyant Cesare Prandelli, de créer une unité forte face à l’extérieur et de faire diminuer la pression qui tombe immanquablement sur les favoris. L’Italie n’avait plus rien à perdre, puisque selon l’opinion de la presse, elle ne pouvait rien gagner.
J’ai goûté sa première confrontation du tournoi contre l’Espagne. Qui nous donne quelques indications pour la Finale d’aujourd’hui. Lors d’affrontements par match aller et retour, le premier match influence obligatoirement le second. Par son résultat, bien sûr. Mais aussi par un rapport de force qui s’est créé. Par un impact psychologique. Par une meilleure connaissance de ses possibilités et celles de l’adversaire. J’ai ressenti le nul 1 à 1 comme un score équitable. Chez les Azzuri, j’ai noté du panache, de l’envie, du jeu vers l’avant et une solidité « made in Italia » dans les duels défensifs. J’en ai vu assez pour me dire : « wow ! Il faudra se méfier des spaghettis ». La défense à 3 contre les « toreros » m’a interloqué, interrogé et convaincu. Dans la phase défensive, cette organisation de jeu a permis de serrer les Ibères de très près. À réduire ces intervalles dans lesquels ils se baladent, tournicotent, hypnotisent et étouffent l’adversaire. Habituellement les « castagnettes » dictent le jeu, imposent leur loi, règnent sur les débats. Pas cette fois-là. Viva Italia ! Match il y a eu. Match il y aura, ce soir. Et peut-être même une belle Finale.
Car la « squadra » possède de beaux atouts, que je redécouvre, après leur brève période d’hibernation. Buffon est redevenu le grand gardien qu’il fut, invincible, même avec ses barrettes dans les cheveux. Les défenseurs centraux Chiellini, Bonucci et Barzagli sont dignes de leurs racines. Sangsues, pieuvres. Intransigeants dans les duels au sol et aériens. À qui peut s’ajouter le couteau suisse, le multicarte qui sait tout bien faire, de Rossi. Tour à tour, milieu de terrain ou central. Les latéraux, Abate et Balzaretti sont attirés par les grandes chevauchées offensives, mais savent défendre comme des chiens. Avec l’apport de Maggio, milieu mobile, Prandelli trouve toutes les solutions pour moduler ses schémas tactiques variables. Avec 2 défenseurs centraux ou 3, avec plus ou moins d’esprit offensif sur les côtés, dans une recherche d’équilibre selon les forces et faiblesses du contradicteur. Motta, participe, parfois à cette quête de complémentarité. Marchisio toujours présent et complet dans tous les registres se montre indispensable. Si j’ai un faible pour les coups de patte de Montolivo, je suis sous le charme du danseur étoile Pirlo. Sa légèreté, son style aérien, son élégance font oublier qu’il est le meilleur récupérateur de ballon de la compétition. Sans paraître y toucher, il dépossède son adversaire direct du ballon, médusé par tant d’anticipation et d’intelligence. Quand il conduit le cuir, il rejoint Rivera et Antognoni dans le gotha des maîtres. Son premier contrôle est infaillible, sa passe millimétrée, ses contre-pieds décisifs et son tir meurtrier. Digne du meilleur joueur du tournoi.
Que Cesare tire le maximum des caractériels Cassano et Balotelli (qui a dit que le génie frise la folie ?) démontre le grand sens managérial de Prandelli. Qui préserve ainsi l’incisif buteur Di Natale (34 ans) pour des rentrées en étincelantes. Qu’il en soit récompensé !