Dans une rengaine lancinante, la majorité des entraîneurs explique l’insuccès par le manque d’expérience de leurs joueurs.
Quand Rafael Van der Wart, âgé de 29 ans, 18 buts en 97 sélections est entré en jeu, au retour des vestiaires du match contre l’Allemagne à la place de Mark Van Bommel, 35 ans et 10 buts en 79 sélections, j’ai reniflé le problème. Celui de l’abondance de footballeurs renommés et expérimentés. Mark est sorti. Rafael l’a remplacé. Et il a repris le brassard de capitaine enlevé à l’autre.
Bert Van Marwijk, l’entraîneur des Pays-Bas, finaliste de la dernière Coupe du Monde, doit faire preuve de beaucoup de psychologie pour ménager la susceptibilité exacerbée de ses champions. Pour faire respecter la hiérarchie. Pour éviter l’implosion du groupe. Pour valoriser les remplaçants. Il ne doit pas seulement réussir l’amalgame d’un onze. Pour maintenir la cohésion, il doit valoriser ses remplaçants et éviter la grogne de stars respectées et admirées. En interne et en externe.
La meute orange a deux cerfs dominants. Le capitaine et le capitaine remplaçant. Qui ne se sont pas affrontés pour gagner le leadership. Van Marwijk doit prendre ses douloureuses responsabilités. Et sacrifier un de ses deux chefs. Pour qu’il n’en reste qu’un. Soit il renonce à Van Bommel, rottweiler généreux qui imprime de l’agressivité au côté du pitbull De Jong pour un compromis intéressant entre jeu et combat. Soit il titularise Van der Wart. Avec le risque de perdre le joueur de l’AC Milan définitivement. Et de faire pencher dangereusement son équipe vers l’avant.
Une autre composition d’équipe, bancale, retient mon attention. Sneijder, 28 ans, 86 sélections et 26 buts, merveilleux talent créatif, mais irritant cette saison dans son individualisme débordant, peut laisser l’axe au profit de Van der Wart. Pour prendre place sur le banc, ou sur le côté gauche et jouer à la place d’Affelay, 26 ans, 40 sélections et 5 buts, peu convaincant en ce mois de juin.
En respectant la tradition hollandaise de football créatif et de caractère, qui nous a émerveillé pendant des décennies, de Cruyff en passant par Van Basten, Van Marwick ne pourra pas déroger à un 4-3-3 ou 4-2-1-3. Avec Van Persie, en avant-centre, fulgurant en pointe cette saison avec Arsenal, âgé de 28ans, 67 sélections et 29 buts plutôt qu’avec Huntelar, 28 ans, et 31 buts en 54 sélections et meilleur buteur de Bundesliga cette année, qui me paraît un ton au-dessous. Avec Robben et son pied gauche à droite, 28 ans, 59 sélections et 17 buts, parfois énervant, mais aussi génial, plutôt que Kuyt, courageux et équipier modèle, 31 ans, 88 sélections et 24 buts.
L’équipe placée sur le papier, avec une défense classique (là n’est pas le débat), avec un capitaine (il n’y a pas le choix), avec deux milieux défensifs qui ont du chien (voir plus haut) et du ballon, avec 4 joueurs offensifs (que j’ai eu l’audace de nommer), suscite débat et provoque hésitation, voire même malaise. Van Bommel ou Van der Wart ? Sneijder à gauche ou sur le banc ? Robben plutôt que Kuyit, alors que l’élan et l’enthousiasme de l’équipe semblent diffus et atténués ? Plus d’artistes ou plus de guerriers ?
Les Pays-Bas de l’Euro 2012 me font penser à deux équipes.
À celle de la France de la Coupe du Monde au Japon en 2002, qui n’a pas marqué le moindre but en 3 matchs dans le groupe A avec les 3 meilleurs buteurs de leur championnat respectif, soit Cissé (Auxerre) en France, Trézéguet (Juventus) en Italie et Henry (Arsenal) en Angleterre. Ou à l’équipe du Sénégal de la CAN 2012 qui a perdu ses 3 matchs en marquant 3 buts, avec Niang et Sow (Fenerbahçe), Papiss Cissé et Demba Ba (Newcastle), Camarra (Montpellier) N’Doye (Copenhague) et N’Diaye (Arles), soit 7 attaquants de grande qualité.
Le football est un sport collectif dans lequel chaque individu doit trouver sa place et si possible se sentir bien dans le rôle qui lui est confié. Une hiérarchie claire et naturelle facilite l’intégration dans un projet commun. C’était le cas en Afrique du Sud. Van Marwijk semble avoir perdu la clef de l’harmonie. Parce que ses oranges, malgré tout leur potentiel individuel, ont perdu l’énergie nécessaire aux grandes conquêtes. Je risque donc à leur encontre : un « bye, en tot ziens » (au revoir et à bientôt). Au revoir, car je pense que les bataves perdront la prochaine rencontre contre les lusitaniens, plus fringants. À bientôt, car je me réjouis de revoir leur football chatoyant.