Du foot, enfin.

J’ai apprécié l’été. Le tour de France à la télévision. Les tournois de golf. La natation. Manaudou. Lacourt. Les victoires que je peux accaparer. Les apéros-concerts dans les vignes. La convivialité des soirs de canicule. Les fêtes de village. La musique au grand air. Soirée opérette. Opéra. Jazz ou rock. Cette récente vie qui s’ouvre à moi. Ces découvertes. La cueillette des tomates et des pommes de terre.

Mais j’étais présent devant mon écran pour le premier match de Ligue 1. Et j’ai aimé. Le nouveau Paris Saint-Germain. Et son style plus profond. J’ai rêvé et œuvré pour réaliser un football Guardiola. Un foot Blanc. Un foot de maîtrise technique et d’intelligence. Un jeu de conservation à 750 passes par rencontre, ennuyeux à mourir. Heureusement. Le plus grand club français actuel quitte ce modèle. Et me plait.

J’ai aimé la défense. Et oui. Le nouveau gardien, Trapp, qui supplée le très bon Sirigu. Aurier, athlétique, actif. Un roc. Thiago Silva, qui retrouve son niveau, ses jambes, sa tête, son cœur. David Luiz, robuste, combatif, qui avance et anticipe. Convaincant. Aussi pour moi. Maxwell, solide, précis, concentré. Pour un quatuor complémentaire et impressionnant, même sans Marquinhos, mon chouchou. Au milieu, Verrati, définitivement ébouriffant. Matuidi, encore plus puissant. Et Thiago Motta, souverain. Qui par sa justesse, déclasse Rabiot, expulsé. J’adore le génie de Pastore dans la passe. L’activité incessante et la générosité de Cavani. La percussion de Lucas. Et l’entrée en jeu explosive d’Augustin, remarquable de culot.

Un PSG au style plus prodigue et plus direct séduit. Contre un LOSC dans un registre équivalent. Et avec le même problème insoluble (?) qu’Arsenal vu le lendemain. Peut-on jouer haut, loin de son but avec Civelli ou Mertesacker sans se mettre en trop grand danger dans la profondeur.

J’adore le football. Et l’imprévu. J’ai été servi ce week-end. Revers de Bordeaux à domicile contre Reims, de Saint-Etienne à Toulouse. Défaite d’Arsenal à l’Emirates Stadium. Nul de Chelsea à Stamford Bridge.

Et démission de Bielsa à l’OM. Un coup de tonnerre dans un ciel apparemment serein. Imprédictible. Fou comme « loco ». Se pose déjà la question de son remplacement. Antonetti ? Pas mal. Girard ? Trop convenu. Prandelli ? Séduisant. Hiddinck ? Vieillissant.

J’attends Klopp. Chaud. Bouillant comme le stade Vélodrome.

David Luiz, au milieu

Le football idéal se joue avec un cœur chaud et une tête froide. Chacun de nous dispose de ces ingrédients en plus ou moins grande quantité. Avec une attirance plus ou moins forte pour un de ces pôles. Laurent Blanc comme les autres.

L’entraîneur du PSG, introverti, représente à merveille le stéréotype du cérébral. Qui vise l’excellence avec intelligence, maîtrise, sang-froid. Autant que possible, sans faire de faute. Puisque sans grosse prise de risque. Ce qu’il transmet admirablement son équipe. À tel point qu’elle peut devenir glaciale, calculatrice, ennuyante. Qu’elle finit par freiner sa générosité. Pour un cheminement sans retour ? Les joueurs les plus prolifiques en efforts, Lavezzi et Cavani réfléchissent tant au bon déplacement qu’ils perdent leur spontanéité, leur énergie et leur confiance en eux. Au point de douter.

L’arrivée de David Luis, flamboyant, infatigable, travailleur, vaillant, résolu, volontaire et déterminé pouvait redynamiser le club de la capitale. Mais dans son positionnement de défenseur central, son impétuosité charismatique était bridée par les contraintes du rôle qui exige plus l’absence d’erreur que le brio de l’intervention, plus la réaction et l’anticipation à l’intention adverse que l’action et le seul courage physique. En tous cas dans le football du « Président ».

Pour le poste de milieu défensif, par nature, Blanc est plus proche de Thiago Motta, au cerveau d’ordinateur, à la passe précise et précieuse, dans le temps et l’espace que de David Luiz, au cœur gros comme ça, à la résolution inébranlable, à la prodigalité sans limites, qui parfois s’agite comme un poulet étêté. Mais il me semble que le PSG de Laurent a plus besoin de vertus combatives, de verticalité (après des mois de jeu vers l’arrière), d’enthousiasme et de prises de risques occasionnellement insensées que d’orthodoxie académique. Même s’il perturbe l’ordonnance tactique, la fluidité de la conservation de la balle et les habitudes et les qualités de certains partenaires.

Suite aux prochains épisodes.

La loi du plus fort

Bielsa l’avait annoncé. L’OM allait prendre des risques. Ce qui a été confirmé dès les premières minutes. Marseille a assailli le PSG dans son Parc des Princes, a tenté de l’assiéger. Dans un combat total, beau et loyal. Pour un défi magnifique. À l’issue très rapidement prévisible. Haletant, mais avec de moins en moins de suspense au fil du temps. Si je m’en tiens à deux de mes phrases favorites.

« Une équipe ne peut dominer totalement l’autre que pendant 15 à 20 minutes ». Après, elle paie son surrégime, si son effort n’a pas été récompensé par un but. « Une équipe qui a trois occasions sans marquer, va obligatoirement le payer ». Dans la vie, comme dans le football, quand tu laisses passer ta chance, elle ne se représente pas de si tôt.

Marseille superbe de panache a subi la loi de mes deux sentences. Payet, peu de temps avant la le thé, en tentant une volée, aurait pu anéantir mes élucubrations. 2 minutes plus tard, Mendy, trop précautionneux sur le centre de Lavezzi, contré par Lucas sur le 1-0, a confirmé la malédiction.

À la mi-temps, l’OM se trouvait déjà dans une situation défavorable. La réussite avait choisi le camp des meilleures individualités. L’arbitre a favorisé le destin le en expulsant Imbula. Le 2-0 de Cavani a tué le suspense. Restait un festival de beaux gestes. Merci Ibra. Merci à Pastore. Merci à tous pour cette superbe soirée.

Coup d’envoi

J’aurais dû écrire avant le match. Pour polémiquer, pour créer le buzz. Ou pour attester mon expertise. En affirmant que la performance sans âme du PSG contre Toulouse ne laissait pas obligatoirement présager un insuccès contre Barcelone. Par mon vécu de joueur et d’entraîneur, je sais bien qu’il faut prendre les rencontres les unes après les autres. Pour ne pas rater le pensum avant l’événement.

Au Stadium, dans le programme officiel, les statistiques de l’équipe parisienne écrasaient la concurrence. 6033 passes réussies contre 4598 à Monaco, deuxième. J’ai rêvé d’un football d’intelligence et de passes. Guardiola l’a fait. Blanc s’en est inspiré. Jusqu’à l’ennui. La technique et la maîtrise dans la conservation du ballon chloroforment le spectacle. Plus de prises de risques. Disparue la spontanéité. Tir à Blanc.

En Ligue des Champions, cette base de jeu solide redevient dynamique. Avec du cœur, de l’âme et des tripes, PSG gagne. Et enchante. Outre  que le Barça évolue aujourd’hui sans calcul.

Avec ou sans Blanc ?

Le commentateur possède le privilège immense de pouvoir émettre son opinion après les choix des autres. Et il ne s’en prive pas. Après les 2 défaites 2-0 subies par la France contre la Suède et l’Espagne à l’Euro 2012 suivant une série de 23 matchs sans défaite, les mauvaises notes vont tomber. Sur le Président de la Fédération Française de Football, Le Graet, qui n’a pas renouvelé le contrat de Laurent Blanc avant la compétition. Sur le sélectionneur qui a fait jouer un latéral droit en position d’ailier contre la « roja ». Sur les joueurs qui n’ont pas assez tenté sur le terrain. Sur les bavards qui n’ont pas respecté l’omerta du vestiaire qui veut que le linge sale se lave en famille après les défaites. Sur les journalistes qui révèlent les algarades d’après match.

Le sujet primordial concerne le futur de l’entraîneur national. Blanc ? Ou non ? Laurent voudra-t-il continuer son œuvre ? Telle peut être la question. Qui doit offrir une réponse affirmative. Il a redonné tenue et résultats à une équipe de France qui avait indécemment égratigné son image en Afrique du Sud. Il a patiemment construit une équipe, une logique, un football. Il a cru, dès le départ, à certains joueurs qu’il a imposés, bon an, mal an dans la colonne vertébrale de son onze. Lloris dans les buts. Rami et Mexès (qui ne lui a pas rendu, en arrivant avec 5 kilos de trop en Ukraine), M’Vila (qui s’est blessé avant la compétition) et Benzema (qui a souvent marqué en bleu, sauf en ce mois de juin).

La présence fondamentale de ces éléments clés implique un projet de jeu plus technique avec un soin considérable porté à la circulation du ballon, voire à sa conservation immodérée (j’en rêvais, l’Espagne l’a fait et ce n’est pas très joli à voir). Le footballeur vu par Laurent n’exclut pas les « régaleurs de chique », ces joueurs amoureux fous du cuir, qui dribblent, qui portent la sphère, qui rechignent parfois à la passe. Et à défendre. Et qui par là, nous exaspèrent parfois. Je nomme Ben Arfa, Nasri et Menez en particulier, que Blanc espérait inscrire dans un collectif intelligent et complice.

Le match contre l’Espagne ne peut constituer l’étalon qui permet de juger du niveau d’une équipe. Parce que pour attaquer, il faut avoir la pelote. Sans munition, pas de tir. Sans contact avec le porteur de la bille, pas de duel. Sans duel, pas de combativité. Sans combativité, pas de présence. Parce que les Espagnols sont devenus les rois du jeu (court) dans l’intervalle, entre les lignes des organisations en zone. Entre le milieu et la défense. Entre le milieu et l’attaque. Sans avant-centre fixé dans l’axe, où l’adversaire les attend en vain, les Espagnols multiplient les surnombres. D’un côté. Puis de l’autre. Passe d’un joueur libre à un joueur libre. Passe d’un joueur libre à un joueur libre. Passe d’un joueur libre à un joueur libre. Etc… L’adversaire devient fantomatique. On ne se rend même plus compte. Qu’il court ! Qu’il court ! Qu’il court ! Après la boule. L’équipe de Del Bosque chloroforme l’adversaire, le match, le spectateur. Le dialogue de la rencontre devient monologue, verbiage égoïste.

Personne n’a vraiment réussi à reprendre la parole face à cette logorrhée fatigante. Les solutions sont rares. Contre Barcelone, Chelsea a décidé de camper dans sa surface et à dresser des barricades. Avec succès. La Croatie a repris la formule, en jouant un peu plus haut face aux compères de Casillas. La France a tenté le même schéma. Patatras.

Je vois 3 contrepoisons pour résister aux somnifères ibériques. Au risque de s’empoisonner soi-même. Premièrement, en supprimant les intervalles. En revenant au marquage individuel de ma préhistoire. Deuxièmement, en campant dans le camp adverse, puisque Del Bosque renonce à la vitesse d’attaquants capable de faire des différences sur longue distance dans le dos de la défense. Troisièmement, en changeant les lois du jeu et en les calquant sur celles du basketball ou du handball, sport dans lesquels le temps de possession et le retour en zone de défense sont strictement limités.

J’espère profondément que le Portugal, qui fait très bonne impression jusqu’ici ou que l’Allemagne, excellente aussi, sauront mater les ensorceleurs rouges pour ne pas être tenté par la troisième idée.

Mieux en Blanc, les bleus !

Les dernières images de l’équipe de France en tournoi final, en 2010, ont déclenché la nausée. Anelka, victime de ses excès égocentriques, qui devient le premier bouc émissaire et évacue la compétition. Un groupe qui refuse de descendre du bus pour s’entraîner. Un sélectionneur qui lit un texte concocté par un agent de joueur. Une défaite contre l’Afrique du Sud. Le KO suit le chaos. Et pour abimer encore plus l’iconographie, au final, Domenech refuse de serrer la main de Parreira.

La chasse aux sorcières suit la débâcle. Domenech, contradicteur permanent, est fusillé au poteau de son management décousu et de son esprit provocateur. Les gentils sont opposés aux méchants. Les blancs aux noirs. Les musulmans aux autres. Finie l’époque idyllique du « Blacks, Blancs, Beurs » des champions de 1998. Pour trouver les coupables, le racisme devient cause ou alibi.

Dans un contexte agité et baigné de désamour, Laurent Blanc succède à Domenech. Changement de coach. Changement d’allure. Enfin un certain style et même un style certain.

Souvent, le footballeur laisse présager l’entraîneur qu’il sera. Laurent joueur, jeune milieu de terrain offensif de Montpellier, échassier majestueux au port de seigneur, œil vif, foulée harmonieuse à défaut d’être vive, pied précis, inventif et souvent foudroyant, jeu de tête ravageur, intelligence de jeu cinq étoiles, peine parfois a imposer sa classe. Par manque de jambes pour échapper au marquage individuel d’alors.

À Montpellier, par alternance, Aimé Jacquet le teste en défense centrale. Pour finalement l’imposer dans cette position. Sans qu’il ne devienne jamais un vrai défenseur aux yeux des puristes. Qui lui reprochent son manque d’agressivité dans le duel ou son absence de méchanceté. Il défend avec intelligence. Lit le jeu. Anticipe. Et relance comme un dieu. Au point de récolter un surnom à Marseille : « Président », pour son influence sur l’équipe, sur et en dehors du terrain, après des passages à Naples, Saint-Étienne, Auxerre et Barcelone, avant l’Inter Milan et Manchester United. Avec 20 ans de carrière, 717 matchs en club (141 buts) et 96 en équipe de France (16 buts).

Entraîneur, il ne se départit jamais d’une grande maîtrise. Qu’il n’avait perdu qu’une fois comme joueur. En giflant Bilic, geste sanctionné d’un carton rouge à la suite d’un accrochage avec le Croate en demi-finale de Coupe du Monde 98. Qui lui aura fait rater le rendez-vous de sa vie. Il est plein de réserve et de retenue pour exprimer ses émotions. Cérébral, toujours sous tension, il conduit ses équipes avec une exigence jamais assouvie. Il décline avec persistance son credo d’un football technique, intelligent, avec un soin particulier porté à la circulation du ballon. Sans jamais oublier de jouer pour triompher. Car ses équipes gagnent. Un titre de champion de France avec Bordeaux. Et la France reste sur 16 matchs sans défaite (avec des victoires en Angleterre et en Allemagne).

Il communique avec prudence et précision, parle vrai, mais pèse chaque mot avant de le prononcer. Car il sait que chaque parole inadaptée peut se retourner contre lui. Son « grand black » proféré dans une réunion technique interne à la Fédération l’a fait vaciller dans son leadership. Où il employait un stéréotype signifiant : grand, fort, vite et individualiste, certains ont voulu comprendre racisme. Alors qu’à mes yeux, il ne s’agit que d’un projet de jeu. Favorisant plus la qualité collective que le potentiel individuel.

Le fil rouge de son action se trouve dans sa première sélection. Il a offert sa première cape à M’Vila, en position de sentinelle devant la défense. Malgré son 1,82 m et sa carnation noire, Yann est surtout un superbe footballeur, précis et technique, qui fluidifie le jeu. Il a offert sa confiance à Rami et à Mexès, parfois fantaisistes, en charnière centrale et à Benzema en attaque, sans jamais déroger à son choix premier, même pendant les périodes de méforme en club. Pour en faire une colonne vertébrale de qualité.

Blanc a changé la pigmentation de son équipe (9 noirs à Bloemfontein pour 3 noirs contre la Serbie), mais il a surtout transformé la couleur du football de la France, avec ces footballeurs d’origine maghrébine Rami, Benzema, Nasri et Ben Arfa), amoureux fou du ballon. Qui a réussi une mi-temps presque parfaite contre l’équipe de Mihailovic.