L’individualisme de Thauvin

Le transfert de Thauvin semble ravir tout le monde… Même si nous lisons plus de commentaires de la presse que de déclarations des intéressés. Le nouveau club, Newcastle, est ravi d’avoir payé 17 millions d’euros pour un footballeur de grand talent. L’Olympique de Marseille s’enorgueillit d’avoir réalisé une plus value de 5 millions d’euros pour un joueur difficile à gérer et Florian Thauvin se réjouit de découvrir le championnat le mieux doté du monde et d’arrondir son compte en banque.

Au premier coup d’œil, avec Bastia, il m’avait emballé. J’ai toute de suite aimé sa conduite de balle, son dribble, sa vitesse de course, sa percussion. Son tir du pied gauche. Son culot monstre. Son côté imprévisible indispensable à un attaquant, défaut que je ne supporte pas chez un défenseur. Et des statistiques intéressantes, devant le but, surtout. Pour scorer. Bien sûr, son individualisme parfois forcené m’irritait fortement. Mais j’ai toujours pensé qu’un entraîneur était aussi engagé pour faire progresser un joueur en l’aidant à gommer quelques uns de ses travers, en lui parlant, en le faisant travailler spécifiquement. Et que le temps, souvent, permettait l’assimilation de concepts plus collectifs.

Je ne me suis jamais appuyé sur des préceptes définitifs, mais que j’ai quand même quelques principes de base auxquels je suis attaché et le départ de Thauvin à l’OM a provoqué en moi un gros malaise. Le respect de sa parole et de sa signature me paraissent constituer une des fondations d’une société civilisée. Et pour réaliser son rêve, Florian  a bafoué son engagement avec le LOSC.

En tant que responsable du recrutement, les qualités de footballeur de Thauvin m’auraient attiré. Son comportement d’homme m’aurait fait hésiter. Une personne qui s’engage par sa signature et la renie aussi rapidement est difficile à diriger. Son individualisme perturbe toujours son intégration à un groupe, à une équipe.  L’OM s’en est aperçu et semble ravi de s’en être débarrasser.

Du foot, enfin.

J’ai apprécié l’été. Le tour de France à la télévision. Les tournois de golf. La natation. Manaudou. Lacourt. Les victoires que je peux accaparer. Les apéros-concerts dans les vignes. La convivialité des soirs de canicule. Les fêtes de village. La musique au grand air. Soirée opérette. Opéra. Jazz ou rock. Cette récente vie qui s’ouvre à moi. Ces découvertes. La cueillette des tomates et des pommes de terre.

Mais j’étais présent devant mon écran pour le premier match de Ligue 1. Et j’ai aimé. Le nouveau Paris Saint-Germain. Et son style plus profond. J’ai rêvé et œuvré pour réaliser un football Guardiola. Un foot Blanc. Un foot de maîtrise technique et d’intelligence. Un jeu de conservation à 750 passes par rencontre, ennuyeux à mourir. Heureusement. Le plus grand club français actuel quitte ce modèle. Et me plait.

J’ai aimé la défense. Et oui. Le nouveau gardien, Trapp, qui supplée le très bon Sirigu. Aurier, athlétique, actif. Un roc. Thiago Silva, qui retrouve son niveau, ses jambes, sa tête, son cœur. David Luiz, robuste, combatif, qui avance et anticipe. Convaincant. Aussi pour moi. Maxwell, solide, précis, concentré. Pour un quatuor complémentaire et impressionnant, même sans Marquinhos, mon chouchou. Au milieu, Verrati, définitivement ébouriffant. Matuidi, encore plus puissant. Et Thiago Motta, souverain. Qui par sa justesse, déclasse Rabiot, expulsé. J’adore le génie de Pastore dans la passe. L’activité incessante et la générosité de Cavani. La percussion de Lucas. Et l’entrée en jeu explosive d’Augustin, remarquable de culot.

Un PSG au style plus prodigue et plus direct séduit. Contre un LOSC dans un registre équivalent. Et avec le même problème insoluble (?) qu’Arsenal vu le lendemain. Peut-on jouer haut, loin de son but avec Civelli ou Mertesacker sans se mettre en trop grand danger dans la profondeur.

J’adore le football. Et l’imprévu. J’ai été servi ce week-end. Revers de Bordeaux à domicile contre Reims, de Saint-Etienne à Toulouse. Défaite d’Arsenal à l’Emirates Stadium. Nul de Chelsea à Stamford Bridge.

Et démission de Bielsa à l’OM. Un coup de tonnerre dans un ciel apparemment serein. Imprédictible. Fou comme « loco ». Se pose déjà la question de son remplacement. Antonetti ? Pas mal. Girard ? Trop convenu. Prandelli ? Séduisant. Hiddinck ? Vieillissant.

J’attends Klopp. Chaud. Bouillant comme le stade Vélodrome.

La malédiction persiste

Au fil des ans, le phénomène s’amplifie. À chaque rencontre entre les Girondins de Bordeaux et Marseille, en Gironde, l’histoire de souvient de moi. Depuis le 1er octobre  1977, date qui m’est rappelée par Patrice Lescarret, mon voisin vigneron de « Causse Marines », l’OM ne gagne plus au Parc de Lescure devenu Stade Chaban Delmas. Bordelais, alors âgé de 11 ans, Patrice a assisté à la dernière victoire Marseillaise en ces terres complètement hostiles. Et se remémore de ma carrière de footballeur brisée en même temps qu’explosait mon tibia en six morceaux, et accessoirement mon péroné. Sur un résultat de parité. Si je suis capable d’évoquer mon ultime action girondine à Laurent Croci, Bordelais alors âgé de 11 ans, qui se souvient du bruit du choc et qui travaille aujourd’hui à l’Équipe, je me sens bien incapable de décrire la suite. Et le but de Zvunka qui scelle le score définitif à 2 à 1, alors que je n’ai pas encore été remplacé.

Depuis cette date, soit 38 ans, la malédiction persiste, Marseille ne gagne plus à Bordeaux. Le match d’hier soir, qui aurait pu basculer dans l’autre sens a respecté la tradition. Les poteaux sauvent Carrasco  2 fois, l’arbitre M. Varela interprète deux interventions girondines très litigieuses avec clémence et Yambéré grave le mauvais sort phocéen dans le marbre d’une reprise décidée.

À la saison prochaine.

Jusqu’à Caen

Irréductible, je suis. Du football panache. Du football émotions. Du football sans calcul. Avec l’OM de Bielsa, je suis servi. Je me régale. Une volonté indéfectible d’avancer et de prendre des risques. Même quand le score semble acquis. J’ai apprécié la deuxième mi-temps de Saint-Etienne – Marseille (2-2) et toute la rencontre de Marseille-Caen (2-3). Beaucoup plus que les supporters phocéens qui n’admettent pas que leur équipe qui menait lors de ces deux matches ne capitalisent qu’un point. Au point d’éteindre toute velléité de gloire. Je ne regrette que l’entêtement de Marcelo au sujet de Doria, jeune défenseur Brésilien, transféré par son Président Labrune. Car je suis convaincu que sa grande qualité individuelle pourrait contenir plus de contre-attaques adverses.

En décembre, après le point obtenu en 4 parties, avec 4 buts inscrits et 12 encaissés, j’avais condamné le Stade Malherbe Caen à une nouvelle relégation. La tendance dégringolait au plus bas. Après un départ difficile hors de leur stade occupé par les jeux équestres mondiaux et des dirigeants soupçonnés d’avoir trafiqué la montée, la 20eme position au classement avec 15 points sanctionnait durement tous ces désagréments.

8 rencontres plus tard, Caen caracole en tête du classement des matches retour avec 19 points, 6 victoires, un nul et une défaite, avec 20 goals marqués et 8 reçus. Après avoir remonté 2 buts de retard contre le PSG à Paris et à Marseille contre l’OM pour des exploits taille patron.

Mais comment donc expliquer l’inexplicable ?

Gérard Baglin, un préparateur mental avec qui j’avais travaillé en Normandie, a repris son activité au début du mois de janvier. Il est parvenu à reconnecter ensemble toutes les énergies du club et à revaloriser l’estime et la confiance en soi de chacun.

Gravier Gravelaine, manager général, avec discrétion et sens exacerbé du football, a réussi faire oublier l’absence du Président.

Patrice Garande, l’entraîneur, a recouvré son sommeil et toutes ses ondes positives.

Et l’équipe épate par sa qualité individuelle. Comme toujours dans un collectif bien organisé. Vercoutre, dans les buts, retrouve tout son charisme. (Comme j’ai plus de mal avec le compliment au défenseur, je les passe tous sous silence). Seube, protège remarquablement la défense. Kanté, devient un nouveau Tigana. Feret, exprime son génie et ses coups de patte. Bazile, le plus talentueux (?) réussit souvent ce qu’il tente. Sala, en pointe marque comme en Ligue 2. Nangis, percute, déborde et score. Comme Privat ou Bénézet qui peuvent sortir du banc pour se montrer décisifs.

La qualité de jeu, de comportement et l’accumulation de talent individuel fait penser que le SMC semble capable de réaliser la meilleure demi-saison de l’histoire du club. Soit plus que les 34 points en 1991-92. Il en manque encore 16 en 9 rencontres.

La loi du plus fort

Bielsa l’avait annoncé. L’OM allait prendre des risques. Ce qui a été confirmé dès les premières minutes. Marseille a assailli le PSG dans son Parc des Princes, a tenté de l’assiéger. Dans un combat total, beau et loyal. Pour un défi magnifique. À l’issue très rapidement prévisible. Haletant, mais avec de moins en moins de suspense au fil du temps. Si je m’en tiens à deux de mes phrases favorites.

« Une équipe ne peut dominer totalement l’autre que pendant 15 à 20 minutes ». Après, elle paie son surrégime, si son effort n’a pas été récompensé par un but. « Une équipe qui a trois occasions sans marquer, va obligatoirement le payer ». Dans la vie, comme dans le football, quand tu laisses passer ta chance, elle ne se représente pas de si tôt.

Marseille superbe de panache a subi la loi de mes deux sentences. Payet, peu de temps avant la le thé, en tentant une volée, aurait pu anéantir mes élucubrations. 2 minutes plus tard, Mendy, trop précautionneux sur le centre de Lavezzi, contré par Lucas sur le 1-0, a confirmé la malédiction.

À la mi-temps, l’OM se trouvait déjà dans une situation défavorable. La réussite avait choisi le camp des meilleures individualités. L’arbitre a favorisé le destin le en expulsant Imbula. Le 2-0 de Cavani a tué le suspense. Restait un festival de beaux gestes. Merci Ibra. Merci à Pastore. Merci à tous pour cette superbe soirée.

Retrouvaille ornaise

« Daniel! »

L’interpellation d’Eric freine mon élan. Je suis en train de traverser le contrôle de sécurité de l’aéroport de Toulouse. Je pars en Arménie. Lunettes rondes noires et branches rouges aujourd’hui, je l’avais apprécié alors qu’il dirigeait Caen-Plus, mensuel libre penseur, voici des décennies. Je l’avais revu alors qu’il était en charge de la politique culturelle de la ville de Toulouse. Changement de majorité, nouveau personnel. Je lui conte mon quotidien. Bricolage, jardinage, cuisine, écriture. En épicurien. Et vélo pour souffrir un peu. Il m’explique le sien. Conseiller culturel, éditeur, journaliste, avec le projet d’une revue bi-annuelle. Son approche du monde et de l’amitié nous avait rapproché lors de gîtes dans le Corentin. Son amour du football aussi.

Cette passion ne l’a pas quitté. Il a regardé Caen-OM. Avec délectation. Il a aime le jeu produit par l’équipe du « fou ». Il adore le feu d’artifice qu’est redevenu le jeu. Il kiffe la générosité, le panache, les prises de risques, les occasions, les centres et les tirs multiples des marseillais. Il ne rate plus un match des olympiens. Pour lui la première mi-temps contre Saint-Etienne était la meilleure.

Il n’achète plus l’Equipe. Les pages football du quotidien ne réveillent pas son intérêt. Mais quand il a vu que « El loco » faisait la une. Il n’a pas pu résister.

L’OM de Bielsa

Le jeu de l’Atletico Bilbao de Bielsa m’avait tellement enthousiasmé que j’avais fait enregistrer des DVD dédiés aux éducateurs de LEMANS FC pour qu’il l’étudie. J’ai trouvé le même plaisir à regarder l’OM contre Caen. L’intensité des débats, la générosité et les prises de risques marseillais m’ont ravi. Et mériteraient d’inspirer d’autres entraîneurs.

La variété des passes épate. Courtes, longues. Derrière, sur le côté, et devant, souvent. Prioritairement. Enfin. Dans la direction du jeu. En profondeur, à maintes reprises. Ou par de grandes transversales. Sans peur de la perte de balle, sans sécuriser le geste à l’extrême. Car le déchet technique permet de déclencher le plan d’urgence. Sprint effréné pour récupérer le cuir. À fond, sans limite, sans relâche, sans cesse. Jusqu’à l’épuisement de l’antagoniste, pour l’instant.

L’anticipation dans le duel et le tacle retrouvent leurs lettres de noblesse. Le dribble pareillement. Ayew transperce 4 adversaires, parfois. Imbula s’infiltre, Payet tente, distribue, Thauvin s’échine. Gignac marque et se démène comme un diable.

L’OM revit. Nous aussi.