Le repas de retrouvailles avait été bien arrosé. Sauf pour lui. Il ne boit toujours pas d’alcool. Sa fille Christelle était passée faire un bisou. Et s’était remémorée la visite qu’elle m’avait faite, gamine, avec son père et son frère, sur mon lit de douleur, à l’hôpital de Bordeaux, en 1977. En voiture. Depuis le Jura suisse. Pour me soutenir et m’encourager.
Marcelin brûlait d’impatience de me montrer des documents qu’il avait conservés et d’autres images plus personnelles. Dont un livre de photos superbe relatant des vacances en Corse. Avec femme, enfants et beaux-enfants. Et surtout, petits-enfants. La fierté du grand-père.
Il sort l’album du football suisse (une sorte de Panini) de la saison de 1967-68. Avec son portrait sous les couleurs du FC La Chaux-de-Fonds. M. Voisard. 1946. Et un commentaire en allemand et en italien, comme il se doit en Suisse : « Arrière. Joueur habile et mobile. Bonne condition physique ». Qui avait joué en équipe suisse junior avec mon frère Pierre-Antoine, et que je connaissais déjà un peu avant de devenir son partenaire. Et aussi : D. Jeandupeux. 1949. Avant. Jeune talentueux dont on reparlera certainement encore.
Il exhume le « Miroir du football » du 23 octobre 1975 qui relate l’arrivée d’un artiste suisse à Bordeaux et une coupure de journal du mardi 27 mai 1980 qui explique la victoire de Sion dont j’étais l’entraîneur. Et qui avait remporté la finale de coupe suisse.
Mais surtout, il s’arrête sur une photo, qui le montre au premier plan, à table, dans l’ultime équipe glorieuse du FC La Chaux-de-Fonds, qui vient de gagner le dernier de ses 3 titres de Champion suisse en 1964. Je reconnais les idoles de ma jeunesse, Kiki Antenen, Cocolet Morand, Marcel Mauron, et Heinz Bertschi entre autres, avec qui je n’ai malheureusement jamais eu le privilège de jouer. Et au fond Henri Skiba l’entraîneur français.
Le cliché, en noir et blanc, est pris dans un hôtel peu luxueux de la région stéphanoise. Le 9 septembre 1964. Au moment de la collation d’avant-match avant la partie de ligue des champions contre l’AS Saint-Etienne qui se terminera 2-2 (des gradins, sous une pluie battante, j’ai vécu la victoire 2-1 et la qualification des « meuqueux » au retour). Lors de cet avant-match, les footballeurs chaux-de-fonniers paraissent concentrés, sereins, avec un léger sourire qui s’adresse au photographe. Mais l’information essentielle provient des commentaires de Marcelin : « Pour le déplacement des montagnes neuchâteloises dans le Forez, nous avons voyagé dans des voitures privées… La prime de 1100 francs payée pour l’exploit a représenté la plus grosse que j’ai eu l’occasion de gagner au cours de toute ma carrière. J’étais amateur, et au début de l’aventure, pour me rendre aux 3 entraînements hebdomadaires, je mettais une heure à l’aller et une au retour. »
Autres temps, autres mœurs. Les temps ont bien changé. Et changé en bien.